Alexandre del Valle : Le difficile pari de respectabilisation et d’unification des islamistes au pouvoir à Damas
CHRONIQUE. Le 24 décembre dernier, les nouvelles autorités syriennes de Damas, liées au HTS, ont annoncé un accord avec « tous les groupes armés » pour leur dissolution et leur intégration dans l’armée. Mais nombres de composantes arabes et turkmènes de l’ANS, soutenues par la Turquie, ne veulent pas déposer les armes et se fondre dans une armée contrôlée par le HTS, explique notre chroniqueur Alexandre Del Valle.
Les nouvelles autorités syriennes ont mis le feu à million de pilules de captagon, cette drogue bon marché dont le régime d’Assad était devenu un le plus gros producteur, avec Daech, et qui était très prisée dans les pays du Golfe. Les autorités islamistes du HTS en profitent pour détruire également les stocks d’alcool et de chanvre indien et de haschisch. La crainte des minorités est que la prochaine étape soit, comme dans l’Irak voisin, l’interdiction de la consommation d’alcool et autres produits non hallal que les non-sunnites consomment.
Dans le quartier chiite de Sayyeda Zeinab, beaucoup s’enferment chez eux, comme dans la montagne alaouite, où des représailles peu médiatisées ont lieu chaque jour, malgré les consignes de l’homme fort de Damas, Ahmed al-Charaà, alias Al-Joulani, dont les promesses de modération destinée à l’extérieur, ne suffisent pas à rassurer les minorités sur lesquelles s’appuyait la dictature Assad. L’heure des représailles ne fait que commencer. Avec les Alaouites, dont étaient issus les Assad, essentiellement situés dans l’Ouest, les chiites, les druzes, situés au Sud, voisins d’Israël, les chrétiens, éparpillés et dénués de bastion comme les précédents, et les Kurdes, qui contrôlent le quart est pétrolier et riche en coton, du pays, les minorités non-arabo-sunnites sont les perdants de l’ascension des rebelles pro-turcs et pro-qataris du HTS et de l’ANS. Ils s’attendent à des représailles de masse.
Les autorités du HTS ont arrêté, jeudi dernier, à Tartous, bastion de la minorité alaouite, dont est issu Bachar al-Assad, un haut cadre de l’ancien pouvoir, le général Mohammed Kanjo Hassan, ex-chef de la justice militaire, responsable de nombreuses condamnations à mort dans la prison de Saydnaya. D’autres arrestations ont lieu chaque jour Tartous et Jableh (ouest), les dernières étant liées aux manifestations d’Alaouites à Tartous, Banias, Jableh, et Lattaquié et Homs après la diffusion d’une vidéo sur les réseaux sociaux montrant des islamistes en train d’attaquer un de leurs sanctuaires à Alep. Cinq employés du sanctuaire ont été tués. Ces manifestations ne sont que les premiers signes, avec d’autres protestations de chrétiens récemment révoltés par des sapins de Noël brûlés par des rebelles sunnites.
Daech, dont les cellules au sein des camps et des zones désertiques et orientales n’ont jamais disparu, va saisir l’occasion de renaître comme en Afghanistan après la « respectabilisation » des Talibans et en réaction contre ce qui est perçu comme une « renonciation au djihad global ».
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