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Attaque du Hamas contre Israël : une menace mondiale

Les djihadistes essaiment partout sur la planète. La tragédie du samedi 6 octobre en Israël s'inscrit dans une déjà longue histoire du terrorisme islamiste et, comme l'analyse l'islamologue Alexandre Del Valle, aura vocation à se répéter.



La guerre lancée contre Israël par le Hamas, groupe djihadiste et parti politique régnant à Gaza et appuyé par l’Iran, nous rappelle que le totalitarisme islamiste est loin d’être moribond. Sa capacité de nuisance, qui repose sur l’instrumentalisation de la religion à des fins de domination politique, demeure intacte.


Central, le Hamas se trouve à l’intersection de la cause palestinienne et du panislamisme, une émanation des Frères musulmans, matrice tant de l’islamisme sunnite d’Al-Qaïda que de la révolution islamique chiite iranienne de 1979 (Khomeiny s’est inspiré des Frères). Au nom de cette idéologie suprémaciste dont l’objectif est l’avènement d’un califat mondial et qui voue un culte mortifère au djihad, plus de 40 000 actes terroristes ont été perpétrés aux quatre coins du globe depuis la révolution iranienne. Les pays qui paient le tribut le plus lourd sont d’ailleurs les pays musulmans – Afghanistan et Afrique subsaharienne en tête -, même si les attentats du 11 septembre 2001 demeurent l’acte...



L’Europe, terre de djihad et de prosélytisme


Depuis les années 2000, 150 attentats islamistes ont été commis en Europe, avec un total de 800 morts. La France est le pays le plus souvent attaqué, avec 320 morts causés par 80 attentats. Depuis 2014, 5 500 citoyens européens sont partis faire le djihad en Syrie-Irak. Deux mille d’entre eux sont rentrés. Le nombre d’islamistes capables de passer à l’acte est évalué dans l’Union européenne à 50 000, sans compter des foyers suisses et bosno-albanais. Dans l’Hexagone, 480 détenus radicalisés ont été libérés depuis 2012, la majorité ayant été fanatisée en prison.


En France, à la menace “projetée” s’est ajoutée une menace “endogène”, alimentée par une fanatisation communautaire religieuse qui légitime le djihad contre les « islamophobes » et les « blasphémateurs » (comme Samuel Paty) au nom de la charia. Aux 300 militants djihadistes incarcérés en France, il faut ajouter les 280 personnes libérées entre 2020 et 2023. Mais aussi ceux en voie de primo-radicalisation, ainsi que les djihadistes disparus dans la nature en Syrie et en Irak et revenus dans l’espace Schengen via des flux clandestins. Sans oublier les familles de djihadistes officiellement rapatriées en France. La menace portée de ces prédateurs endogènes difficiles à surveiller (il faudrait 15 à 18 fonctionnaires de police pour empêcher de nuire chaque radicalisé) préoccupe les autres forces chargées de la prévention et de la lutte antiterroriste, même si elles déjouent chaque mois des projets d’attentat.



Dans ce contexte, les attaques commises depuis 2020 ont été le fait d’individus souvent non affiliés et fanatisés par la rhétorique paranoïaque fréro-salafiste qui appelle les jeunes musulmans à se couper des « mécréants » et à les « punir » pour leur « islamophobie » (menace endogène). Quant au risque de menace projetée, estompé depuis le déclin de l’EI en Syrie et en Irak, il peut ressurgir à tout moment en fonction de variables géopolitiques : guerre en Ukraine ; accords d’Abraham israélo-arabes ; déstabilisation de l’Afrique et des régimes arabo-musulmans ; concurrence Dae’ch-Talibans-Al-Qaïda en zone AfPak (Afghanistan – Pakistan, NDLR)


Dae’ch n’est pas mort


À l’échelle mondiale, la capacité de “projection” de l’État islamique (EI ou Dae’ch, qui a commandité les attentats du 13 novembre 2015) depuis le Proche-Orient a été amoindrie par la lutte de la coalition internationale, mais il reconstitue progressivement sa capacité de frappe. En Irak et en Syrie, le groupe s’appuie sur des tactiques de guérilla et des attaques contre les forces de sécurité. Dae’ch a encore des troupes nombreuses en zone Syriak (Syrie -Irak, NDLR) et le groupe s’est étendu dans le monde, de l’Afrique subsaharienne à l’Asie. L’EI conserve un trésor de guerre de 3 milliards d’euros et son réseau, de plus en plus dur à cibler grâce à une numérisation et à une décentralisation accrues, sera plus difficile à identifier et combattre.


D’après le ministère de la Défense américain, Dae’ch conserverait entre 15 500 et 25 000 membres en zone Syriak, sans compter les “franchisés” d’Afrique subsaharienne, d’Asie du Sud et d’Afghanistan. L’organisation conserve un noyau territorial dans l’est de la Syrie et essaie de regrouper ses membres pour y créer des cellules dormantes en attendant un retour en force. L’objectif d’islamisation de l’humanité demeure commun à Dae’ch et à Al-Qaïda, mais les modèles diffèrent : si l’EI veut recréer le califat trans national et abolir les frontières entre États musulmans, Al-Qaïda remet à plus tard le but ultime califal et privilégie une lutte plus directe dans des cadres nationaux.


Al-Qaïda, puissante organisation terroriste


​Al-Qaïda, qui avait perpétré l’attentat contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, reste déterminé à frapper les pays occidentaux tout en disputant à Dae’ch le leadership du djihadisme international. L’Afrique subsaharienne et l’Asie sont ses nouvelles terres d’expansion, et l’élimination de son émir, Ayman al- Zawahiri, le 31 juillet 2022 à Kaboul, n’a pas détruit sa puissance. Son successeur, Seïf al-Adl, ex-membre des forces spéciales égyptiennes, basé en Iran, cadre historique de l’organisation et issu du même pays que Zawa-hiri, a une vraie autorité morale au sein de la nébuleuse.


Après la chute de l’État islamique, Al-Qaïda, moins dans les radars que l’EI, s’est renforcé. Il a toujours été présent en Syrie, via le groupe Jab-hat al-Nosra, devenu Hayat Tahrir al-Sham, de facto protégé par la Turquie d’Erdogan. Il y puise des forces djihadistes recyclées par la société de mercenaires turque Sadat sur le théâtre libyen contre le général Haftar et dans le Haut-Karabakh contre les Arméniens en appui de l’armée azérie. Début 2018, un nouveau groupe fidèle à Al-Qaïda est apparu en Syrie, le Tanzim Hurras ad-Din, qui regroupe de 2 000 à 3 000 combattants.


Al-Qaïda est plus massivement et anciennement implanté que Dae’ch au Moyen-Orient, au Khorasan, au Sahel, au Yémen, en Libye ou en Somalie. Fort de 70 000 membres dans le monde, dont 11 000 en Syrie et 7 000 au Sahel, il fonctionne comme une centrale qui rédige des notes, des appels, suggère des alliances, émet des fatwas et consignes, conçoit des kits opérationnels, en se contentant de définir la stratégie globale que les affiliés et groupes franchisés appliquent comme ils veulent. Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) reste la filiale la plus active, aux côtés d’Al-Qaïda dans la péninsule Arabique (Aqpa, basée au Yémen).


Le djihadisme en pleine ascension, du Sahel à l’Afrique de l’Est


​L’Afrique paie le plus lourd tribut au djihadisme depuis la chute de Dae’ch en Irak-Syrie. Depuis les années 2005, les attentats les plus violents commis par Al-Qaïda ont eu lieu au Sahel, où des dizaines de milliers de combattants appuyés par des tribus et des réseaux salafistes ont plongé dans le chaos les faibles États du Sahel. Des milliers de civils ont été tués, 3 millions de personnes ont dû fuir leurs domiciles au Mali, au Niger et au Burkina Faso, principaux pays touchés. Au Nigeria, l’armée nationale, elle-même infiltrée, a été dépassée par l’insurrection de Boko Haram, nom qui signifie en langue haoussa « l’Occidental est péché ». Le groupe, qui s’est rendu célèbre par des enlèvements de collégiennes, est lui-même concurrencé par Ansaru, une scission qui a prêté allégeance à Aqmi en 2022.


Avec l’imprudente intervention contre le régime de Kadhafien 2011 – qui a permis aux mercenaires de Libye d’acheminer armes et combattants dans tout le Sahel -, Paris, Londres et Washington ont contribué à l’expansion de ce fléau en Afrique subsaharienne. Les attaques djihadistes sont perpétrées par Aqmi, Ansar Dine, le Mouvement pour l’unicité du jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), Al-Mourabitoune, le GSIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), l’État islamique au Grand Sahara, la Katiba Macina, ou encore Ansarul Islam et Ansur.


De l’autre côté de l’Afrique, le groupe djihadiste somalien Al-Shabaab (“La jeunesse”), lié à Al-Qaïda, lutte pour la création d’un État islamique salafiste en Somalie. Il menace les pays voisins (Éthiopie, Kenya). Un autre pays africain de l’Est ciblé par le djihadisme est le Mozambique, État lusophone, majoritairement catholique. En 1998, à la fin de la guerre civile, des jeunes formés dans les universités islamiques saoudiennes ont fait émerger le mouvement Ansar Al-Sunna, appelé Shabbaab. Ce dernier a prêté récemment allégeance à l’État islamique, contrairement à son homonyme somalien. Il perpètre des attentats toujours plus meurtriers : 500 victimes en quatre ans et 530 000 déplacés…


L’Asie du Sud, nouvel horizon djihadiste


En Asie du Sud-Est, principalement aux Philippines et en Indonésie, alimentées par la pauvreté et les tensions entre les divers groupes ethno-religieux, les organisations terroristes recrutent de plus en plus en se greffant sur des mouvements séparatistes et islamistes préexistants ainsi franchisés. Aux Philippines, l’organisation terroriste Abou Sayyaf a été très tôt en lien avec Al-Qaïda et a même été financée à ses débuts par l’organisation caritative de Mohammed Jamal Khalifa, un beau-frère d’Oussama ben Laden. Al-Qaïda est l’organisation terroriste la plus active dans cette zone.


Quant à Dae’ch, elle a commencé à migrer vers l’Asie du Sud-Est après sa défaite en Syrie, en se greffant notamment sur des groupes islamistes locaux ou en les infiltrant puis en les divisant. De nombreux militants d’Abou Sayyaf ont ainsi fait allégeance à l’EI. Les 1 000 ressortissants indonésiens et malaisiens qui ont rejoint Dae’ch en Syrie pour y faire le djihad ont essaimé dans leur pays à leur retour. L’État islamique comprend environ 500 membres actifs aux Philippines, sans compter les autres groupes djihadistes rivaux ou associés.

Si l’attention des médias se porte actuellement sur Israël, le djihadisme tue bien plus encore et partout ou presque dans le monde, l’Amérique latine étant le seul continent globalement épargné par ce fléau qui n’en a pas fini avec l’Europe, baptisée par les Frères musulmans « terre de la prédication et du témoignage » en raison de sa perméabilité.




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