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Résumés des principaux ouvrages d'Alexandre del Valle 

 

L'alliance "américano-islamiste"

 

Dans son premier essai ((Islamisme et Etats-Unis : une alliance contre l’Europe, L’Age d’homme, 1997). 1997), Alexandre Del Valle poursuit le travail initié par son maître et ami le Général Pierre Marie Gallois, auteur du "Soleil d'Allah aveugle l'Occident" (1996), qui dénonce l'erreur stratégique fondamentale des Occidentaux et en particulier des Etats-Unis qui ont utilisé, pendant et après la guerre froide, l'islamisme radical pour affaiblir la Russie, les Balkans, les Etats arabes laïques et en fin de compte "détruire l'Europe". Lors d'une rencontre avec Gallois, en juin 1996, Del Valle, qui a lu avec intérêt son court ouvrage sur cette compromission "islaméricaine" (expression de JP. Péroncel-Hugoz), se voit proposé par l'ancien conseiller stratégique de De Gaulle de poursuivre son travail sur ce sujet et d'y apporter de nombreux éléments que Del Valle va accumuler grâce à ses contacts avec les milieux militaires et du renseignement, notamment le SGDN, où il initiera sa carrière de fonctionnaire. Le général Gallois le propose à Del Valle, qui a commencé une thèse de doctorat à Paris VIII avec l'autre grand de la géopolitique française, Yves Lacoste, d'en faire un gros ouvrage de référence, et il le présente à cet effet aux édictions franco-suisses l'Age d'Homme.

 

La thèse du livre est la suivante : depuis la fin des années 1970, les Etats Unis ont soutenu les extrémistes islamistes, des frères musulmans syriens aux islamistes bosniaques et albanais, des talibans à la Gamaa' Islamiyya égyptienne, et ont choyé les Wahhabites, a la tête de la monarchie pro-américaine d’Arabie Saoudite qui finance la quasi-totalité des réseaux islamistes dans le monde. Les Etats Unis ont abandonné ou écrasé les Etats arabes-musulmans les plus sécularisés et nationalistes susceptibles d’acquérir une puissance politique et une relative autonomie stratégique. Outre l'Irak de Saddam Hussein écrasé par les Bush, Del Valle cite l'exemple de Carter abandonnant le Chah perse, alors que l’Iran était en train de devenir maître de son pétrole et pouvait se vanter du haut niveau de ses universités.

 

Le but ou la conséquence de la stratégie étatsunienne est à chaque fois de favoriser l’obscurantisme, ce que Del Valle baptise "la stratégie confessionnelle pro-islamique des Etats Unis. » L'auteur, qui cite notamment les études de la Rand Corporation et des documents acculumés auprès du SGDN, rappelle que pour les stratèges américains, le monde musulman devait rester un monde riche en pétrole, exploitable à volonté, mais pauvre en matière grise et maintenue dans une totale situation de dépendance technologique ; un marché d’un milliard de consommateurs incapables d’autonomie politico-militaire et économique. Le carcan coranique serait opportunément favorable à l’indigence intellectuelle comme en témoigne la fatwa promulguée par la suprême autorité religieuse d’Arabie saoudite : « La terre est plate ; celui qui déclare qu’elle est sphérique est un athée méritant punition. » (Bin Baz, ex-grand Imam d'Arabie). Pour Del Valle comme pour Gallois, le nationalisme irakien était une tentative d’aggiornamento de l’islam. et tout comme le Chah d’Iran se référait à la dynastie des Achéménides, Saddam Hussein se montrait fier du passé préislamique babylonien et chaldéen de l’Irak. Ainsi, en favorisant le "revivalisme" islamiste, wahhabite ou frériste, les Etats-Unis ont aidé les islamistes à mener à bien leur stratégie totalitaire néo-califale visant à détruire les nationalismes et à supprimer toute trace d’identité préislamique. Del Valle explique que la politique américaine de l'après-guerre froide doit viser à la fois l’affaiblissement de la Russie et l’absence d’autonomie militaire de l’Europe. D’où l’élargissement de l’OTAN aux pays d’Europe centrale et orientale, afin de pérenniser la présence américaine, alors que la formule de défense européenne capable de contrer l’hégémonie américaine sur le vieux continent passerait par « un axe anti-hégémonique Paris-Berlin-Moscou.

 

» Les Etats Unis s’emploient donc à le casser en jouant systématiquement Berlin et Sarajevo contre Paris et Moscou. Ainsi s’explique la politique américaine en ex-Yougoslavie, qui prolonge à la fois la stratégie de Tito visant à affaiblir les Serbes, et celle de l’Allemagne. « Les Serbes, comme les Irakiens, ajoute Alexandre Del Valle, paient le prix de l’extension de l’OTAN et de la politique étrangère américaine de l’après-guerre froide. ». La part la plus originale d’Alexandre Del Valle est son étude de leur alliance subjective entre, d’une part, le puritanisme américain, le fondamentalisme des droits de l’homme, le désir d’édifier « le village mondial » anglophone sur les ruines des cultures et des souverainetés nationales, et d’autre part la Oumma islamique, conquérante, édifiée sur l’éradication des cultures plurimillénaires qui l’ont précédée, il y a connivences et affinités, même si elles sont inconscientes. Islam et puritanisme protestant sont issue l’un et l’autre de sectes judéo-chrétiennes hétérodoxes et choisissent entre « l’étroitesse ritualise » et la « transgression jouissive des interdits », quand ils ne les conjuguent pas. Tous deux prétendent conquérir le monde au nom d’une « idéologie ultra monothéiste » et du « Verbe divin non pas incarné mais calligraphié » ; tous deux s’affirment contre l’Europe. Et les attentats du 11 Septembre 2001 ne démentent pas cette idée, Georges W. Bush ayant bien pris soin de prévenir de l’amalgame entre terrorisme, Islam et islamisme. 

 

L'islamisme radical ou "totalitarisme islamiste"

 

En 2002, Alexandre Del Valle publie « Le Totalitarisme islamiste à l’assaut des Démocraties » (Les Syrtes, Paris) qui poursuit son travail d’analyste géopolitique et de lanceur d’alerte. Observant les appuis mutuels que se donnent les islamistes, une certaine gauche et parfois même une certaine extrême-droite judéophobe et complotiste, il analyse une forme d’alliance « rouge-noire-verte » dans le travail d’érosion des démocraties européennes et américaine. Cet axe de recherches se poursuivra dans tous ses ouvrages suivants, décryptant l’incohérence des autorités et déplorant le sort des citoyens musulmans d’Europe laissés en pâture à la propagande de pouvoirs islamistes étrangers, notamment saoudiens-salafistes, qataris, frères musulmans, indo-pakistanais et turc-néo-ottoman, toujours étrangement tolérés voire soutenus par des Etats occidentaux complaisant envers ce totalitarisme et "tenus" par leurs étranges "alliés" du Golfe, sans oublier la Turquie candidate à l'Union européenne mais "cheval de Troie islamiste" pour Del Valle. 

Dans cet ouvrage, préfacé par le franco-algérien Rachid Kaci, et qui sera son bestseller (éditions les Syrtes, 2002), Alexandre del Valle assimile l'islamisme radical à un « totalitarisme » ou un « fascisme vert». Il considère que le terrorisme islamiste sunnite et l’idéologie salafiste à prétention impérialiste qui le sous-tendrait ne sont pas une simple forme "d'intégrisme", contrairement aux avis de nombreux journalistes, politiques ou pseudo-experts qui mettent les "trois religions abrahamiques" sur même pied d'égalité, mais bien une forme de « totalitarisme », à l’instar d’autres idéologies totalitaires « rouges » et « brunes » (ou "noires"), foncièrement conquérantes et violentes fondées sur la terreur, le contrôle total de l’homme, le mensonge, la fin qui justifie les moyens, l'Etat total, le contrôle de la culture, et l'enrégimentement de la société. Il déplore en conséquence le rejet de la Russie par les pays de l'OTAN (à commencer par les États-Unis), qui, au lieu de s'allier avec la Russie de Poutine en Afghanistan ou ailleurs contre la menace commune islamiste, exclue le pays continuateur de l'Ex-URSS qui se jette ainsi dans les bras du vrai futur ennemi géo-économicostratégique de l'Occident qu'est la Chine néo-maoïste. 

 

Dénonciation de la nouvelle judéophobie

 

Durant les mêmes années, entre 1999 et 2002, Alexandre del Valle écrit également un ouvrage remarqué, dont la couverture montrera la photo de Ben Laden, "Guerres contre l'Europe", qui poursuivra la thèse de son premier ouvrage, en insistant plus sur les guerres de Tchétchénie, des Balkans et du Kosovo, intervention folle d'un point de vue stratégique qui confirmera les craintes exprimées dans Islamisme-Etats-Unis et par le général Pierre Marie Gallois. Ses détracteurs notent dans cet ouvrage une continuité sur la dénonciation de la "menace géocivilisationnelle" islamiste et la nécessité de réconcilier l'Occident et la Russie, mais observent une inflexion plus "occidentaliste", moins nettement anti-atlantiste et pro-arabe, voire "pro-sioniste".

 

Del Valle défend alors de plus en plus dans ses conférences et écrits, notamment dans la page opinion du Figaro, la communauté juive française alors victimes d'attaques judéophobes arabo-islamistes dans les banlieues, et même l'Etat d'Israël, « alors victimes d’une vague de haine sans précédent », dont il revendique le "droit à la sécurité". Il estime qu'il n'est plus possible aujourd'hui en France de dénoncer la judéophobie d'origine arabo-islamique sans être qualifié d'« agent sioniste » ou de « complice du colonialisme israélien » et d'être catalogué islamophobe ou raciste. Il rappelle que les premières victimes du « totalitarisme islamiste » sont des musulmans et que les « défenseurs » de la lutte anti-raciste feraient mieux de dénoncer ce «fascisme vert » plutôt que d'essayer de « fasciser la communauté juive ». Il dénonce la "nouvelle trahison des clercs "  de « la gauche et de l'extrême-gauche", engluées dans leurs idées tiers-mondialistes et antisionistes qui ne veulent pas admettre que le retour du totalitarisme, du racisme et de l'intolérance, passe également et même surtout, actuellement, par le sud ("fascisme du sud" ou "fascisme vert", et qu'il est désormais principalement le fait de l'islamisme totalitaire».

 

Les « Rouges, Bruns, Verts ou le nouveau Front de la haine contre l’Occident et les démocraties

 

Dans de nombreux articles parus en France (Politique Internationale notamment), ainsi que dans un ouvrage paru en 2011 en Italie (Rossi, Neri, Verdi, L'Alleanza paradossale anti-occidentale), Alexandre del VALLE décrypte le monde inquiétant l’Après-guerre froide caractérisé par la montée de la haine envers l’Occident, qu’il s’agisse de la vieille Europe affaiblie, de l’Etat d’Israël, de plus en plus isolé, et des Etats-Unis, l’Empire occidental plus contesté et diabolisé que jamais. Cette haine a pris une dimension apocalyptique lorsqu’une une partie de l’Humanité a célébré la catastrophe du 11 septembre. Depuis le déclenchement de la seconde Intifada Al Aqsa, en septembre 2000, le 11 septembre 2001, et depuis les guerres anglo-américaines en Afghanistan et en Irak,  on constate partout, selon l'auteur, l’émergence d’un axe "rouge-vert-brun" de la haine envers l’Occident et le Monde Libre (le Rouge de l’extrême-gauche révolutionnaire ou No Global, le Brun de l’ultra-nationalisme néo-fascisant ou indigéniste, et le Vert de l’islamisme radical et/ou terroriste). Cette « Internationale de la Haine », fondée sur le ressentiment, réunit contre l’Amérique, Israël, la civilisation judéo-chrétienne, et les démocraties libérales dans leur ensemble, les « perdants radicaux » de l’Histoire, les extrémismes de tous bords : intégristes islamistes, ultra-nationalistes du Sud ou d’ex-URSS, dernières dictatures communistes de la planète, nationalistes indigénistes anti-blancs et révolutionnaires d’Amérique latine ou d’Afrique, etc. Le seul point commun véritable entre ces trois couleurs de la Haine - mais non des moindres, est l’esprit de revanche, le ressentiment, le rejet global d’un empire occidental diabolisé. Le ressentiment anti-occidental et cette nouvelle forme de fascisme et de racisme du Sud exprimé au nom des « opprimés » supposés ou réels réunit ainsi les acteurs les plus divers, souvent opposés idéologiquement, mais décidés à en découdre définitivement avec le bouc-émissaire euro-occidental dominé par les Etats-Unis et complice du Satan israélien. D’où le rapprochement toujours plus significatif entre, d’une part, les nostalgiques des deux premiers totalitarismes — bruns et rouges — et, d’autre part, les protagonistes du totalitarisme vert, l’islamisme révolutionnaire, obscurantiste et revanchard. Il est vrai que l’islamisme, troisième totalitarisme après le nazisme et le communisme, répond aux aspirations de ses deux prédécesseurs : prônant la lutte des civilisations et des religions, puis déclarant la guerre au monde judéo-chrétien au nom des « déshérités » du reste de la planète, il séduit tout autant les nostalgiques du troisième Reich païen, décidés à éradiquer le judaïsme et le christianisme, que les partisans de la faucille et du marteau, déterminés à en découdre avec l’Occident « bourgeois » et « capitaliste ».

 

Il est vrai que les islamistes prétendent défendre les masses arabes « occupées » ainsi que les pauvres, les faibles et les « humiliés » du Tiers-monde, victimes des nouveaux Croisés judéo-chrétiens « impérialistes ». La convergence des haines anti-occidentales explique pourquoi l’ex-terroriste marxiste pro-palestinien Carlos soutient aujourd’hui totalement le Hamas et Al Qaïda ; pourquoi nombre de dirigeants néo-nazis saluent « l’héroïsme » du Hezbollah et de Ben Laden dans leur lutte contre les Juifs et les Américains, ou bien nient le 11 septembre, qu’ils attribuent à la CIA ou au Mossad. Ainsi, le leader charismatique du mouvement néo-nazi anglais, David Myatt, devenu Abdul Aziz Ibn Myatt, appelle les nostalgiques de l’Axe et tous les ennemis des sionistes à embrasser comme lui le Djihad, la « vraie religion martiale », celle qui lutte le plus efficacement contre les Juifs et les Américains. Parallèlement, alors que le discours des terroristes marxistes ou de certains néo-nazis s’islamise, la rhétorique de Ben Laden en particulier et des islamistes en général se « marxise » et se tiers-mondise à son tour  et emprunte à la vulgate antisémite d’extrême droite la plus extrême. Qu’il s’agisse du Hezbollah libanais, du Hamas palestinien, des combattants d’Al Qaïda ou des « résistants » irakiens et palestiniens, force est de reconnaître que, sur le marché révolutionnaire mondial, les islamistes sont les plus farouches adversaires de l’« impérialisme israélo-américain ». Ceux qui infligent le plus de dommages aux puissances « colonialistes » et « capitalistes ». Devenu le porte flambeau des déçus de tous bords et du Tiersmondisme revigoré, ce revanchisme vert ou totalitarisme islamiste séduit autant les « déshérités » et les haineux de tous bords tant dans les pays d’Islam qu’en Amérique latine, au sein des indigènes radicalisés, qu’en Afrique, où l’islamisme progresse, et qu’en Asie, sans oublier les « banlieues de l’Islam » ghettoisées d’Europe et d’Amérique, où l’Internationale de la Haine, notamment envers les Juifs, Israël et les Etats-Unis, se nourrit des convergences et alliances révolutionnaires rouges-vertes.  

 

Le complexe occidental

 

Dans son ouvrage Le Complexe occidental, petit traité de déculpabilisation publié en 2014, Alexandre del Valle explique que la « mauvaise conscience » et ce sentiment de culpabilité de "l'Homme Blanc européen judéo-chrétien" seraient la principale menace contre les sociétés occidentales. L'ouvrage a vocation à devenir un "manuel de contre-désinformation a l'usage de nos sociétés occidentales", victimes du virus de la culpabilisation collective. Véritable arme de « destruction massive », cette culpabilisation est mise en oeuvre sous la forme de « mythes fondateurs » que l'auteur analyse un à un : les croisades, les « ténèbres » du Moyen Âge, la diabolisation de l'Église catholique, la « dette » envers la science arabo-musulmane, Al-Andalus, les accusations d'esclavagisme, de colonialisme et de racisme à sens unique, la « mondialisation heureuse » et les dérives de l'Union européenne. Persuadé que la « guerre des représentations » est la clef de tous les conflits, l'auteur poursuit en identifiant le processus de désinformation à l'origine de cette manoeuvre de déstabilisation collective. Selon lui, la culpabilisation pathologique qui sape les fondements mêmes de nos sociétés ouvertes, est aux antipodes de la saine capacité à s'autocritiquer, car loin d'aider les peuples à tirer les leçons du passé, elle est fondée sur la haine de soi et attise celle de l'Autre à notre endroit. Del Valle estime que l'« Européen n’a pas à s’excuser éternellement pour les Croisades, l’Inquisition, la Colonisation ou la Shoah. L’utilisation systématique, obscène même, des drames de la IIe Guerre mondiale pour discréditer les Patriotes européens est devenu tout simplement insupportable ». Afin de retrouver l'estime de soi, condition nécessaire pour être respecté par les autres, Del Valle invite la France et ses alliés occidentaux à mettre en oeuvre d'urgence une thérapie globale de déculpabilisation.


Il montre enfin en quoi la survie géopolitique des nations occidentales dans le nouveau contexte multipolaire passe par leur capacité à substituer à leurs prétentions universalistes, souvent contre-productives, un recentrage stratégique et une réappropriation de leur identité propre, dont le monde slavo-orthodoxe, trop souvent diabolisé, est l'un des piliers. Il considère que la seule façon d’assurer sa pérennité pour la vieille Europe serait de renouer avec son identité, de se déculpabiliser, de se réconcilier avec son histoire judéo-chrétienne et ses racines dans le cadre d’un monde multipolaire fait de retour des identités et de Realpolitik décomplexée.

 

Il continue ainsi de plaider, a contrario, pour un « pan-Occident » réconciliant les anciens ennemis de la Guerre froide face à la menace selon lui principale du « totalitarisme islamiste » aujourd'hui incarné non seulement par l'islamisme jihadiste revanchard et terroriste, mais aussi par l'islamisme "institutionnel" incarné par des étranges "Etats amis" du Golfe ou par la Turquie néo-ottomane post-kémaliste co-parraine avec le Qatar des Frères musulmans. Enfin, face à la « culture de la haine anti-occidentale», del Valle propose de diffuser une culture de l’amour de soi, afin que les Européens et les Occidentaux - culpabilisés alors que leur civilisation n’est pas pire que les autres - retrouvent confiance en eux et répondent à la fois à « l’Internationale de la Haine » au niveau mondial et aux défis de l’intégration des populations extra-européennes au niveau national. 

 

Persécution du christianisme

 

Alexandre del Valle soutient que la religion la plus persécutée est le christianisme. Selon lui, la banalisation de la haine envers les chrétiens et le christianisme dans le monde résulterait de son assimilation à un Occident colonial, dominant, donc à la « religion de l’oppresseur » blanc-européen, voire à l’impérialisme américain. Dans son essai Pourquoi on tue les chrétiens dans le monde aujourd'hui, la nouvelle christianophobie, il dénonce les persécutions, voire le « génocide en cours», des chrétiens dans le monde, essentiellement dans les pays musulmans, mais aussi dans certains États fédérés de l'Inde, en Chine, à Cuba, au Vietnam et surtout en Corée du Nord.

 

Il assimile ces actes à une forme de « nouvelle solution finale » des chrétiens, éradication qui participerait d’un anti-occidentalisme radical propre à la montée des indigénistes et des idéologies radicales dans le cadre d’un monde multipolaire de plus en plus désoccidentalisé.  D'après lui, les attentats-suicides perpétrés au nom d’Al-Qaïda, de l'Etat islamique ou de Boko Haram contre des chrétiens dans les pays musulmans ces dernières années n’est que l’aboutissement d’un long processus de fanatisation collective et d’épuration des chrétiens d’Orient. Aujourd’hui, la nouvelle christianophobie alimentée par des phantasmes xénophobes et diabolisant similaires aux mobiles antijuifs, s’observe du Sénégal (jadis paisible, aujourd’hui menacé par l’intégrisme), au Pakistan islamique, où le simple fait de professer sa foi chrétienne vaut d’être menacé de mort et condamné pour « blasphème contre l’Islam ». Selon Del Valle, le processus de fanatisation collective antichrétienne inculqué dans les médias, les discours politiques, les tribunaux - de plus en plus islamiques - ou les institutions officielles des pays musulmans, qui donnent des gages aux islamistes en dénonçant eux aussi le bouc-émissaire chrétien « complice des croisés » occidentaux, prépare les consciences à une nouvelle Solution finale des chrétientés d’Orient. Del Valle dénonce le fait que "les nouveaux censeurs antiracistes des Nations Unies, du Conseil des droits de l’Homme (basé à Genève) ou de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI)", comme les "nouveaux anti-racistes" indigénistes en France, ne mentionnent presque jamais ou minimisent les massacres des chrétiens des pays musulmans ou du Sud. Ainsi, les pogroms antichrétiens des années 1990 en Indonésie, qui ont fait plus de 100 000 morts, n’ont pratiquement pas fait l’objet de médiatisation.

 

Au Nigeria, où la charia est appliquée depuis le début des années 2000 dans le nord musulman, la christianophobie criminelle a moins suscité de réaction au sein des nations Unies ou des 57 nations islamiques de l’OCI que l’expulsion pourtant légale et respectueuse des droits de l’homme de quelques immigrés clandestins en France ou en Italie... Cette nouvelle christianophobie fondée sur le rejet de la religion des Occidentaux par excellence qu’est le christianisme explique également le massacre barbare de pasteurs et de fidèles évangéliques à Malatya (Turquie) en mars 2007, accusés d’être des coreligionnaires des « néo-conservateurs américains », le meurtre de l’ancien leader de la communauté arménienne de Turquie, Hrant Dink, lui aussi chrétien protestant (2006), ou encore celui des évêques catholiques italiens Don Santoro (avril 2006) et Luigi Padovese, primat d’Antioche (mai 2010). L’auteur rappelle qu’en Turquie, berceau du christianisme, les Chrétiens et les autres minorités ont peur. Les Orthodoxes grecs ne sont plus qu’un millier, alors qu’ils avoisinaient un million au début du XXème siècle.

 

Les Arméniens ont subi, comme les Assyro-chaldéens d’Anatolie (Suryani), le premier génocide de l’Histoire. Ils ne sont plus que 70 000 en Turquie et leur génocide continue d’être nié par la propagande décomplexée de l’Etat turc, pourtant candidat à l’entrée dans l’Union européenne. Le assyro-chaldéens d’Irak, jadis libres et émancipés, aujourd’hui accusés d’être « complices » des envahisseurs américains chrétiens, fuient les pogroms depuis la chute de Saddam Hussein, alors que rien ne permet de les accuser d’être complices des GI’s. En Arabie saoudite, pays qui finance tant de mosquées et centres prosélytes dans le monde entier, la police religieuse, la Muttawa, harcèle les non-musulmans, entrant de force dans les habitations d’immigrés philippins ou indiens récitant le chapelet ou lisant la bible, délit passible de prison, de confiscation des biens et de rapatriement immédiat. La thèse de l’auteur est que l’indifférence de l’Occident et de l’Europe face à la christianophobie croissante ne peut être que perçue comme un signe de faiblesse par les ennemis des démocraties occidentales, notamment les mouvements islamistes, animés d’un esprit de revanche et d’une soif de conquête. 

Alexandre del Valle rappelle dans la première partie de son essai que les violences anti-chrétiennes n’ont jamais cessé depuis la conquête arabo-islamique du Moyen-Orient qui relégua les chrétientés orientales dans un statut de dhimmitude (infériorité juridique). Il explique que la situation des Chrétiens d’Orient ne fut jamais ni bonne ni enviable et que la « tolérance » islamique des Turcs ottomans ou de « l’Andalousie pluriculturelle » sont des mythes islamophiles occidentaux conçus pour nier les fondements de la christianophobie islamique, au nom d’une « politique d’apaisement » qui justifierait de taire ou de minimiser le drame des chrétientés orientales dont la trop grande publicité risquerait de « fâcher » encore plus les bourreaux et relancer les thèses du choc des civilisations. D’après l’auteur, le devoir des démocraties et des institutions internationales est de porter la question des chrétiens d’Orient au cœur des Nations Unies et des préoccupations des Etats du monde avant qu’il ne soit trop tard, afin que des pressions soient enfin exercées sur les pays dont les législations inspirées de la charià sont les premières causes de persécutions antichrétiennes.  

 

"Les vrais ennemis de l'Occident"

 

Alexandre del Valle déplore que depuis la chute du mur de Berlin en 1989, l'Occident n'a pas fait son aggiornamentio géostratégique et n'a pas remis en question les alliances nées pendant la guerre froide, pas plus que le 11 septembre 2001 n’a bousculé la stratégie et la lecture du monde imposées par les Etats-Unis et ses alliés. La Russie reste l’ennemi à abattre, selon les théories américaines « d’endiguement du Heartland russe » mises en cause dans le dernier chapitre, et les grands promoteurs de l’islamisme sont toujours les alliés de l’Occident.

 

En réalité, les intérêts liés à la répartition des ressources pétrolifères et des bailleurs de fonds distribuant les pétrodollars à l’envie, occultent les antagonismes civilisationnels et aveuglent les gouvernements et élites mondialistes, se complaisant dans un establishment consenti. D’où résulte le problème de la définition de l’ennemi, trop souvent compris comme celui qui « déteste » plutôt que celui qui est « hostile ». Il ne m’aime pas mais il me paie. C’est le résultat de deux causes. La première cause est intérieure à l’Occident et à l’islamisme. Elle est intérieure aux « sociétés ouvertes » dont les politiques et élites qui gouvernent les pays occidentaux nient les dangers de l’Islam et sont emprunts d’idéologie et d’absence de connaissance voire rejet de soi : dilution des identités dans le mondialisme, promotion de valeurs creuses (Droits de l’Homme, xénophobie…), déficit démographique et immigration, le tout favorisant le déracinement généralisé. L’auteur distingue « cinq grands pôles internationaux » qui « se partagent ou se disputent selon les cas le marché de l’islamisation et de la réislamisation radicale ». Les 5 pôles comprennent eux-mêmes d’un côté les États et de l’autre des organisations internationales islamiques, les ONG d’Allah.

 

Les deux principaux financeurs de l’islamisme sont paradoxalement ceux qui trouvent en Occident le plus de bienveillance à leur égard : l’Arabie Saoudite qui finance principalement le wahhabisme et a par exemple dépensé depuis 1980 « 75 milliards pour la propagation du wahhabisme, le financement des mosquées et des organismes de bienfaisance partout dans le monde islamique », ce qui représente plus que tout le budget de l’URSS consacré à l’expansion du communisme pendant toute la guerre froide, aime à rappeler l’auteur à ses interlocuteurs. Et le Qatar, « roi du double jeu », qui a financé « des analyses qui dédouanent l’émirat et pointent du doigt les voisins saoudiens et koweïtiens alors qu’il a été le premier bailleur de la rébellion islamiste syrienne ». Reste ensuite à approfondir grâce à cet ouvrage les talibans et la Jamaà pakistanais, le pôle turco-ottoman « moins connu que les pôles saoudiens, qatari, koweïtien, pakistanais ou Frères musulmans », sans oublier l’importance grandissante des organisations islamiques mondiales comme la Ligue islamique mondiale « qui a pour tâche de coordonner et de financer les activités des centres islamiques à travers le monde » ou l’Assemblée mondiale de la jeunesse musulmane, « ONG accréditée auprès de l’ONU ». De même, le système bancaire islamique suit de près l’expansion de l’islamisme et veille à s’ouvrir de nouveaux marchés…

 

Alexandre del Valle démontre que l’erreur de nos dirigeants occidentaux a consisté à suivre la stratégie impulsée par les États-Unis après la Guerre froide qui isolait la Russie pour éviter son émergence en tant que grande puissance, en la ceinturant de pays musulmans (muslim belt) et en contrôlant les révolutions oranges de l’Europe post-soviétique. Cette politique s’est vérifiée au moment de la guerre du Kosovo en 1999, puis en Ukraine plus récemment. En conclusion Del Valle propose quelques remèdes et solutions. Et si « le premier front doit être intérieur » en relançant la machine à intégrer tout en neutralisant les relais de nos ennemis sur le territoire, la politique extérieure, souvent perçue comme « néocoloniale » ne peut être justifiée qu’en appui des États existants et non pour les renverser au nom des droits de l’homme comme en Syrie ou en Libye. Mais tout cela ne sera possible qu’en renouant des alliances géopolitiques réalistes, comprenant les intérêts tant que les enjeux de civilisation.

 

"La stratégie de l'intimidation"

 

Dans son ouvrage paru en 2017, dont le titre complet est "La stratégie de l'intimidation Du terrorisme jihadiste à l'islamiquement correct, Del Valle affirme que l'intimidation est l'arme favorite de l'islamisme, tant terroriste ("coupeurs de Têtes") que "institutionnel ("coupeurs de Langues/islamiquement corrects"), pour répandre l'islam, dans une sorte de "prosélytisme de coercition". Le livre commence par cette phrase volontairement choquante: "Plus l'on tue au nom d'Allah, plus l'Occident combat 'l'islamophobie' et plus on parle en bien de l'islam pour ne 'pas faire l'amalgame'". Tel est le paradoxe de « l'islamiquement correct » selon lequel, loin de déclencher dans nos sociétés culpabilisées une mise à l'index des préceptes sacrés qui justifient la violence jihadiste, la médiatisation des attentats terroristes renforce en fait l'attractivité de l'islam. Alexandre del Valle montre que la violence jihadiste n'est en aucun cas un simple problème sécuritaire « étranger à l'islam » mais bien le plus efficace outil du prosélytisme islamique. Et ceci s'explique d'abord par la lutte obsessionnelle contre « l'islamophobie » exigée par les pôles de l'islamisme mondial, qui aboutit à faire de l'islam une religion intouchable, au-dessus de toutes les autres.

 

L'auteur décrit la stratégie de conquête des piliers mondiaux de l'islamisme sunnite (Ligue islamique mondiale, Organisation de la Coopération islamique, ISESCO, Frères musulmans, Turquie néo-ottomane d'Erdogan) qui prônent la « désassimilation » et cherchent, sous couvert de criminalisation de la critique de l'islam, à soumettre les démocraties occidentales à l'exceptionnalisme musulman. D'où l'évocation récurrente de la supposée « supériorité morale, philosophique et scientifique de l'islam » (dont témoignerait l'âge d'or d'Al-Andalus), envers lequel l'Occident serait redevable. Del Valle dégonfle ce mythe fondateur du "suprémacisme islamique". Les attentats sont, certes, commis par une minorité, mais la majorité des musulmans a une attitude qu’on peut qualifier d’ambiguë. Le but suprême de beaucoup de fidèles du prophète étant d’islamiser le monde, tous les moyens sont bons pour arriver à ce résultat. Une des tactiques est incarnée par l’expression “alsam taslam” (= soumets et tu auras la paix). Des groupes violents persécutent, voire tuent ceux qui dénoncent les « dérives » de la religion du prophète (Salman Rushdie, l’écrivain sri lankais Taslima Nasreen, Pim Fortuyn, Theo van Gogh, Charlie Hebdo…). Du fait de cette campagne de terreur, plus personne n’ose s’élever contre l’islam, alors qu’on continue à critiquer sans retenue et à moquer un christianisme autrement pacifique.

Mais parallèlement à ces extrémistes "coupeurs de têtes", qui sèment la mort, donc intimide physiquement par la publicité de l'horreur sanguinaire forcément surmédiatisée dans nos sociétés médiactratiques avides de sensationnel", il existe toute une galaxie d’organisations qui dénoncent les attentats du bout des lèvres, mais surtout mènent une campagne virulente contre une soi-disant "islamophobie" largement imaginaire dans le seul but de renverser les rôles et donc d'intimider cette fois-ci moralement et idéologiquement (Culpabilisation-Diabolisation-renversement ou "DCR"). L’Occident ne serait dès non plus victime mais coupable des attentats jihadistes qu'il subit, car ce serait sa prétendue "intolérance", son soi-disant "racisme islamophobe" qui créeraient de terroristes issus des milieux défavorisés et "exclus". A ceci, les "coupeurs" de langues "islamiquement corrects" ajoutent deux arguments "islamiquement corrects" puissamment véhiculés en Occident dans les discours politiques, les médias et les universités: premièrement, au Moyen Âge et à l’époque moderne, les États musulmans (califat, Al-Andalus, Empire ottoman) auraient été des "modèles de tolérance" et de respect des autres religions, contrairement à la « barbarie » chrétienne qui a donné l’Inquisition et l’expulsion des Juifs et des Maures d’Espagne. Pourtant, l’Espagne mahométane a connu de nombreux pogroms antijuifs et des persécutions sanglantes de chrétiens. Et vers 1230, tous les non-musulmans ont été collectivement expulsés d’Al-Andalus. Deuxièmement, les Occidentaux ayant oublié, après la chute de l’Empire romain, les auteurs grecs et latins, ce sont les savants musulmans qui leur auraient "transmis" les manuscrits des Anciens grecs et ainsi "permis" la Renaissance. En réalité, les auteurs antiques n’ont jamais été oubliés. Constantinople, la Sicile normande, l’Espagne chrétienne ont contribué bien plus que les musulmans à diffuser les manuscrits antiques. En outre, l’incontestable bouillonnement intellectuel du califat est dû, en grande partie, aux Perses sassanides et à des savants chrétiens ou juifs, originaires du Moyen-Orient ou d’Espagne.

Pour Del Valle, cette double intimidation islamique, physique et morale, a connu une grande réussite ces dernières décennies. Des dirigeants occidentaux (MM. Bush, Obama, entre autres, mais la liste est longue) ont tenu des discours de repentance sur un supposé racisme occidental, nous désarmant intellectuellement. Beaucoup d’intellectuels, nombre de manuels scolaires développent les thèses fausses de la tolérance d’Al-Andalus et de la dette imaginaire de l’Occident envers les savants musulmans. Plus virulents, des leaders de gauche épousent quasiment les thèses islamiques et présentent les musulmans comme le nouveau prolétariat opprimé par le capitalisme. De plus, l’antisionisme est proche de l’antisémitisme. La haine d’Israël amène certains à justifier les attentats, même contre des civils. Le courant islamo-gauchiste est influent dans les médias et impose souvent une vision faussée du problème musulman.

"Le Projet" ou la stratégie de conquête et d'infiltration des Frères musulmans dans le monde arabe et en Occident

Forts de leurs expériences respectives, l’un sur le terrain en Egypte, au Liban et au Qatar (Razavi) et l’autre sur un plan plus théorique et stratégique (Del Valle), les auteurs ce cet ouvrage ont étudié et décomposé les véritables objectifs européens des Frères musulmans, confrérie fondée par Hassan al Banna en 1928. Financements des lieux de cultes, entrisme politique, soutiens d’institutions ou achat de sociétés, prises de participations importantes dans de grands groupes industriels, présence au sein d’associations cultuelles ou culturelles, les frères musulmans déploient aujourd’hui une activité multiforme, très offensive. Pourtant, contrairement à ce qu’on peut lire ici ou là, leurs objectifs et leur stratégie ne sont pas secrets : tout est écrit et annoncé dans leurs grands textes de références. Tout est assumé par les principaux responsables de l’organisation. Il fallait donc faire ce qui n’avait jamais été fait jusque-là : trouver, lire, analyser tous les documents de référence et rencontrer les grands leaders, au Caire, à Gaza, à Londres, à Doha et Istanbul. Ce que les auteurs ont fait.

Loin d’être restée une simple organisation pyramidale, la « Société » des Ikhwan est devenue un mouvement hétérogène dont la cohésion est assurée plus par les affinités idéologiques de ses membres, que par la direction égyptienne. Au niveau mondial il n’y a plus de structure réellement hiérarchisée et centralisée avec un sommet et une base obéissante. On a plutôt affaire à une organisation horizontale et décentralisée. Ainsi, les organisations liées aux Frères jouissent d’une très large autonomie, tout en suivant la ligne d’une direction mondiale souple dont les déclinaisons européennes à elles seules comprennent entre 300 et 350 centres. Ceci explique pourquoi les membres éminents de structures fréristes affirment qu’ils ne sont pas membres de La Confrérie. Un demi-mensonge… Pour parvenir à leurs fins, les idéologues de La Confrérie ont mis au point une véritable stratégie d’expansion « par étapes » qui fut révélée en 1992 lorsque la police égyptienne prit connaissance d’un plan secret, lors d’une perquisition au domicile d’un membre. 

Ce projet stratégique, appelé Tamkine, qui sera confirmé plus tard par le fameux « Projet » saisi chez Youssef Nada en Suisse (voir chapitre II), a comme ultime but de prendre le pouvoir et réaliser partout la Hakimiyya. Les trois étapes essentielles du plan sont : 1/ diffuser leur vision totalitaire de l’islam sous couvert d’islam officiel et de respect de la religion ; 2/ former-sélectionner les individus-clefs devant transmettre la conception frériste partout où ils agissent, via le témoignage et l’entrisme ; 3/ parfaire la phase finale de prise du pouvoir politique une fois la société acquise et les élites préparées. Le modus operandi consiste à prendre le contrôle du pouvoir suprême par la constitution d’un vaste réseau décentralisé, puis la création de multiples sections cloisonnées qui maillent toute la société, puis par l’infiltration et l’entrisme dans l’enseignement, les ordres de médecins, d’avocats, les banques et institutions financières, les syndicats, les centres hospitaliers, les tribunaux et les partis politiques et médias (comme Al-Jazeera).

La priorité, que n’aurait pas démentie l’intellectuel communiste italien Antonio Gramsci (réputé pour la priorité donnée à l’entrisme et au combat culturel), est donc la formation des jeunes et des futures élites. La force des Frères est en effet d’opérer n’importe où et à tous les niveaux de la société, dans les domaines caritatif, sportifs, médiatiques, politiques ou éducatifs. Partout où ils s’implantent, leur premier souci est d’établir des écoles, des cliniques, des clubs sportifs, et de proposer des microcrédits sans riba (intérêt) aux musulmans qui adhèrent à leurs principes idéologiques, lesquels ont été définis par Hassan al-Banna et perfectionnés par son gendre, Saïd Ramadan. Leur leitmotiv est le suivant : « Le savoir, c’est le pouvoir ». Et le savoir passe par l’entrisme dans les petites écoles, les lycées, les universités et les médias. L’accès final au pouvoir passe logiquement par des alliances pragmatiques avec des partis politiques plus classiques et la subversion de valeurs démocratiques, au niveau local, communal, régional, national et même en dehors des pays musulmans. Dans cette nouvelle configuration stratégique « évolutive » des Ikhwan, trois hommes ont joué ces dernières années un rôle fondamental dans la modification du schéma opérationnel et organisationnel de La Confrérie, la connectant davantage aux réalités islamistes du xxie siècle. Intellectuels machiavéliques adeptes de l’utilisation des réseaux sociaux et des médias, du cyber-Jihad et de la guérilla économique sur Internet, ce trio, appuyé par la Turquie et le Qatar, a théorisé la nouvelle stratégie globale de conquête du monde arabo-musulman et de l’Europe par les Frères ainsi que la cartographie de l’organisation.

 

Il est composé du Qatari Jassim Sultan, de feu le Saoudien Jamal Khashoggi et du Palestinien naturalisé britannique Azzam Tamimi, trois personnages centraux dans la nouvelle configuration stratégique des Frères au niveau régional et mondial. Khashoggi, Jassim Sultan et Azzam Tamimi, sur lequel nous reviendrons en détails plus loin, appartenaient à cette nouvelle génération « d’islamistes-progressistes 2.0 », c’est-à-dire la mouvance la plus transnationale et révolutionnaire au sens « démocratique » du terme de l’islamisme sunnite, et parrainée par le Qatar et la Turquie d’Erdogan. Une vision de l’islam politique résolument opposée à celle des monarchies héréditaires pro-occidentales du Golfe qui privilégie non plus la voie jihadiste-guerrière inaugurée par Saiyyd Qutb, mais celle, démocratique, entriste, numérique, politico-démocratique et économique, « 2.0 » inaugurée à grande échelle pour la première fois lors des Printemps arabes, variante locale des fameuses « révolutions de couleurs » financées dans les années 2000 par les États-Unis et les ONG de Georges Soros en Géorgie, en Ukraine et ailleurs pour affaiblir les intérêts russes en Eurasie. Pour ces trois penseurs, qui ont toutefois, comme Khashoggi et Tamimi, soutenu ou connu le jihad guerrier de près, l’objectif ultime des Frères (Califat universel), reste le même que celui des pères fondateurs Al-Banna ou Qutb, mais il ne peut être réalisé qu’à condition de renverser au préalable, de façon asymétrique, tous les régimes arabes dictatoriaux monarchiques ou sécularisés, qu’il s’agisse de l'Arabie saoudite islamique mais rivale (dans la course au leadership islamique), de l’Égypte honnie d'Abdel Fatah Al-Sissi, ou encore la Syrie du clan Assad-alaouite et du parti Baas anti-islamique honnis. Depuis le début des Printemps arabes, La Confrérie a donc muté de nombreuses manières sous l’influence et l’activisme de ces nouveaux théoriciens, bien moins attachés à la structure égyptienne originelle et à son système pyramidal que leurs prédécesseurs.

 

Ils s’en sont d’ailleurs officiellement démarqués, tout en préservant avec elle des liens forts. Ils ne veulent en fait plus apparaître comme les tenants d’une structure uniforme, trop hiérarchisée, trop lourde, préférant se concentrer sur des éléments de langage et une communication adaptés aux pays dans lesquels se trouves leurs affidés. Ils sont persuadés que leur réussite passe par leur implication dans le monde des entreprises, des médias, dans la politique, les ONG, les clubs associatifs. Ils agissent de façon plus globale, inscrivant leur lutte dans un discours victimaire, se positionnant comme des « victimes de l’islamophobie », plaçant hypocritement celle-ci au même niveau que l’antisémitisme, en occultant l’admiration de leurs pères fondateurs pour le nazisme et le fait que La Confrérie a toujours été judéophobe. Ses jeunes membres sont par ailleurs beaucoup plus en phase avec le progrès technique, les nouvelles technologies, les réseaux sociaux et le monde des médias. Au fez et à la barbe bien taillée, ils préfèrent le jean et les baskets de marque américaine. Aux seuls versets du Coran, ils ajoutent un discours plus en phase avec les mutations sociologiques que connaît le monde, et leurs geeks ont une excellente maîtrise des réseaux sociaux. Ils tentent en fait de montrer qu’ils s’adaptent à la société quand dans les faits, leurs objectifs restent les mêmes sur le fond.

 

Extrait du livre d’Alexandre del Valle et Emmanuel Razavi, "Le Projet: La stratégie de conquête et d'infiltration des frères musulmans en France et dans le monde", publié aux éditions de L’Artilleur

 

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liste des ouvrages 

2023 : Vers un choc global ? Par Alexandre del Valle et Jacques Soppelsa (disponible sur Amazon)

2021 : La Mondialisation Dangereuse - Par Alexandre del Valle et Jacques Soppelsa (Disponible sur FNAC

 

2019 : Le Projet La stratégie de conquête et d'infiltration des frères musulmans en France et dans le monde. Co-écrit avec Emmanuel Razavi (Disponible sur la FNAC)

 

2018 : La Stratégie de l'Intimidation : Du terrorisme djihadiste à l'islamiquement correct (Disponible site éditeur)

2016 : Les Vrais Ennemis de l'Occident : Du rejet de la Russie à l'islamisation des sociétés ouvertes (Disponible sur Amazon)

2016 : Comprendre le Chaos syrien: Des révolutions arabes au jihad mondial (Disponible sur Amazon)

2015 : Le Chaos Syrien, printemps arabes et minorités face à l'islamisme (Disponible sur Amazon)

2014 : Le complexe occidental - Petit traité de déculpabilisation

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2011 : Pourquoi on tue des chrétiens dans le monde aujourd'hui ? - la nouvelle christianophobie (Disponible sur Amazon)

2009 : I Rossi Neri, Verdi: la convergenza degli Estremi opposti, (préface de Magdi Allam) (Disponibile sul Amazon)

2009 : Perché la Turchia non può entrare nell'Unione europea, (préface de Roberto de Mattei) (Disponibilie sul Amazon)

2005 : Frères musulmans. Dans l'ombre d'Al Qaeda,  préface d'Emmanuel Razavi (Disponible sur Amazon)

2005 : Le Dilemme turc, ou les vrais enjeux de la candidature d'Ankara avec Emmanuel Razavi (Disponible sur Amazon)

2004 : La Turquie dans l'Europe, un cheval de Troie islamiste ?

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2002 : Le Totalitarisme islamiste à l'assaut des démocraties.

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2001 : Guerres contre l'Europe : Bosnie, Kosovo, Tchétchénie.

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2000 : Quel avenir pour les Balkans après la guerre du Kosovo?

1999 : Une idée certaine de la France (dir. Alain Griotteray) (Disponible sur Amazon)

1997 : Islamisme et États-Unis, une alliance contre l'Europe

(Disponible sur Amazon)

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