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Alexandre del Valle : Après les représailles et contre-représailles entre l’Iran et Israël, qui est en situation de zugzwang ?

CHORNIQUE. Téhéran et Jérusalem se doivent de répliquer à toute attaque, faute de quoi leur crédibilité stratégique serait atteinte. Toutefois, les protagonistes sont avant tout soucieux de ne pas faire le geste de trop, de crainte de déclencher une escalade incontrôlable, explique notre chroniqueur.





Pour ceux qui ne connaissent pas les échecs, inventés par l’Inde et la Perse, le terme zugzwang (de l’allemand Zug, “mouvoir”, et Zwang, “contrainte”), désigne un “coup contraint” en vertu duquel le joueur, qui ne peut passer son tour, ne peut jouer que des coups qui endommagent sa situation. Le joueur en zugzwang peut parfois faire le meilleur coup possible qui empêche par exemple la capture du roi, mais l’enchaînement sera fatal à plus long terme. Parfois, deux adversaires peuvent être en zugzwang réciproque : chacun ne pouvant bouger que de façon défavorable.


Dans le cadre de l’escalade israélo-iranienne, maintenant directe, Israël semble avoir mis l’Iran en situation de zugzwang : la République islamique ne peut que perdre une guerre directe face à l’État hébreu et elle ne peut que se discréditer en répondant peu ou perdre la guerre en déclenchant un conflit de haute intensité par un mauvais “dosage” de la riposte directe, étant donné la supériorité stratégique israélienne écrasante. Les faucons israéliens pourraient en effet trouver dans une riposte iranienne massive un prétexte pour détruire le potentiel nucléaire et balistique de l’Iran, voir pour renverser le régime des mollahs, eux-mêmes très contestés à l’intérieur par les oppositions politiques et ethniques (Kurdes, Azéris, jeunes, etc.). L’Iran khomeyniste sait par ailleurs qu’il est encerclé d’ennemis : monarchies arabes sunnites du Golfe (excepté le Qatar), Jordanie, Égypte, et Azerbaïdjan, qui offre des bases de revers à l’armée israélienne en cas de guerre contre l’Iran…


L’attaque d’Isrël, mesurée mais dissuasive


Côté israélien, l’attaque du 19 avril sur l’Iran a été mesurée, mais elle est dissuasive, puisque la ville d’Ispahan, qui abrite des installations nucléaires, a été visée afin de faire passer un message très clair. La spirale a certes été initiée avec l’assassinat, par l’aviation israélienne, le 1er avril dernier, dans le consulat iranien de Damas, d’officiels iraniens, mais Téhéran n’a aucun intérêt à tomber dans un piège consistant à attaquer à nouveau Israël, comme lors de l’attaque iranienne de la nuit du 13 au 14 avril, interceptée à 99 % par les systèmes antiaériens et antimissiles israéliens. Bref, soit l’Iran répond et sait qu’il risque de déclencher une guerre qu’il est sûr de perdre contre Israël et qui risque d’entraîner la chute d’un régime déjà fragilisé par les oppositions idéologiques et ethniques internes, soit il ne répond pas, ce qu’il a choisi de faire tacitement en niant l’attaque, mais il perd alors un peu plus sa crédibilité, ce qui peut accentuer les dissensions internes (radicaux-messianistes versus pragmatiques) et galvaniser l’opposition.


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