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Tucker Carlson a-t-il eu raison d’interviewer Vladimir Poutine ?


La diffusion de l’entretien de Vladimir Poutine avec Tucker Carlson le 8 février (100 millions de vues au bout de quatorze heures sur X) a suscité une polémique sans précédent dans “l’Occident global” : beaucoup ont qualifié Carlson de traître prorusse ; l’eurodéputé libéral et ex-Premier ministre belge, Guy Verhofstadt, a assimilé l’entretien à une « violation des sanctions » sur la Russie et proposé de faire interdire de séjour le journaliste en Europe ; l’ex-secrétaire d’État américaine Hillary Clinton l’a accusé d’être un « idiot utile ».

Pourtant, en octobre 2021, bien après les sanctions antirusses qui ont suivi l’invasion de la Crimée par la Russie, Hadley Gamble de CNBC avait interviewé Poutine sans être accusée de trahison, tout comme Oliver Stone l’avait fait avant elle en 2017. Il est vrai que Carlson, réputé très à droite, est proche de Donald Trump. Il est par ailleurs apprécié par le Kremlin pour avoir critiqué l’implication américaine dans la défense de l’Ukraine.





“Erreur” et promesses non tenues de l’Occident


L’interview est tombée à point pour le camp trumpiste, car elle a coïncidé avec le débat du Congrès sur le financement de l’effort de guerre de l’Ukraine, bloqué depuis des mois par les Républicains. Elle arrive également le jour du limogeage par Volodymyr Zelensky du pourtant très populaire chef de l’armée ukrainienne Zaloujny, une aubaine pour Poutine car cela met en lumière les graves rivalités et dissensions au sein du pouvoir ukrainien, d’autant que Zaloujny est présidentiable…


Poutine ne s’est pas gêné pour rappeler les “erreurs” et promesses non tenues de l’Occident concernant l’extension de l’Otan, les projets de défense anti-missiles en Europe de l’Est dans les années 2004-2008-2014 puis les “coups d’État” pro-occidentaux de 2005-2014 fomentés par la CIA en Ukraine dans le cadre d’une ingérence que les États-Unis n’auraient jamais tolérée de la part des Russes au Canada ou au Mexique.


Aborder les contentieux


L’interview, certes complaisante, ne déroge pas aux habitudes du journalisme occidental, rarement objectif. Elle a permis d’aborder les contentieux russo-occidentaux et de démentir les “menaces nucléaires” ou projets d’invasion de pays de l’Otan (Pologne ou pays Baltes), prêtés à Poutine : ce dernier a précisé que la Russie n’a aucun intérêt à envahir un pays voisin, a fortiori membre de l’Alliance, pas plus que d’employer des armes nucléaires, même tactiques, « car cela pousserait toute l’humanité au bord de la destruction ». Un simple rappel visant à démentir les caricatures de la presse et des dirigeants occidentaux, qui auraient pu défendre l’Ukraine de façon plus intelligente.


La digression de Poutine sur l’histoire visant à nier l’historicité de la nation ukrainienne a prouvé que Carlson n’a pas été un idiot utile de Poutine, qui a plutôt aggravé son cas. Il s’est d’ailleurs contredit ensuite en rappelant que la Russie post-soviétique avait reconnu la souveraineté de l’État ukrainien dans les années 1990-2000, certes dans un contexte post-soviétique de bonnes relations entre “pays frères” inhérent à la neutralité de l’Ukraine. Le maître du Kremlin s’est même bien plus dépeint en néo-tsariste-impérial-pan-orthodoxe qu’en soviétique néostalinien lorsqu’il a incriminé Lénine et Staline et vanté l’économie de marché. Il a ensuite rappelé que le projet d’accord de paix ukraino-russe d’avril 2022 a été avorté sur pressions anglo-américaines, puis a déploré le non-accomplissement de la promesse occidentale des années 1990 de ne pas étendre l’Otan à l’est, ainsi que la non-application par Kiev et les Occidentaux des accords de Minsk.


Trump plus pacifiste que Biden ?


Les propos de Poutine sur la “dénazification” n’ont pas du tout été pour Carlson l’occasion de le réhabiliter, bien au contraire. Et le fait qu’un président utilise une interview pour faire passer des messages est habituel. Enfin, son affirmation que la paix en Ukraine passe par la cessation des livraisons d’armes états-uniennes est destinée à convaincre les électeurs américains que Trump, certes nationaliste, est plus pacifiste que le démocrate Biden, favorable à toutes les guerres américaines depuis les années 1990. Ce dernier a d’ailleurs perdu 70 % des voix des jeunes démocrates, qui lui en veulent d’avoir soutenu Israël à Gaza…

Poutine a conclu qu’en associant le dollar aux sanctions et lois extraterritoriales, les États-Unis sapent, à terme, l’un des fondements de leur suprématie mondiale, car la dédollarisation des matières premières ne fait que commencer…

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