Syrie : « La vision du pouvoir d’al-Joulani reste profondément djihadiste », dénonce l’opposante Randa Kassis
- AdV
- 4 août
- 2 min de lecture
ENTRETIEN. Figure incontournable du paysage politique syrien en exil, Randa Kassis s’est imposée comme l’une des voix les plus franches et originale de l’opposition laïque au régime de Bachar al-Assad, et désormais de Ahmed al-Charaa, de son nom de guerre djihadiste Abou Mohamed al-Joulani. Franco-syrienne, anthropologue de formation, présidente du « Mouvement pour la société pluraliste » et fondatrice de la plateforme d'Astana, elle est connue pour sa lucidité tranchante, sa critique des ingérences étrangères et ses prises de position parfois à contre-courant.

Valeurs actuelles. Quelle a été votre réaction après les massacres de Druzes survenus en Syrie pour la seconde fois en juillet dernier et bien plus meurtriers encore que la première : les Druzes ont-ils gagné une autonomie telle que promise par Abou Mohamed al-Joulani, l’homme fort de Damas?
Randa Kassis. Il n’est guère surprenant que l’on parle d’un chef terroriste comme al-Joulani, à la tête d’un gouvernement composé de djihadistes syriens et étrangers. Ce qui l’est davantage, c’est l’aveuglement persistant de certaines chancelleries occidentales qui, contre toute évidence, s’imaginent pouvoir “civiliser” un djihadiste, le transformer en un président modéré et pluraliste.
Cette illusion, profondément naïve ou cyniquement intéressée, révèle une hypocrisie insupportable : les mêmes États qui brandissent partout les droits de l’Homme ferment les yeux — voire tendent la main — à des groupes dont l’idéologie piétine ces principes au quotidien. Le second massacre visant la communauté druze, encore plus sanglant que le précédent, confirme non seulement la nature profondément sectaire et violente de ce pseudo-gouvernement, mais aussi son incapacité à proposer une vision inclusive pour la Syrie. Il ne gouverne ni par le droit ni par le consensus, mais par la peur, la coercition et l’exclusion.
Aujourd’hui, après ces massacres contre les Druzes et les Alaouites, après les persécutions systématiques contre toute personne ou communauté qui refuse de se soumettre à leur idéologie, il faut dire les choses clairement : la cohabitation au sein d’un État centralisé est devenue quasi impossible. Le tissu de confiance nationale est déchiré. La seule voie réaliste pour préserver ce qu’il reste de la Syrie est la mise en place d’un système fédéral ou d’une décentralisation poussée, permettant à chaque composante de se gouverner localement tout en partageant un cadre étatique commun. Dans le cas de Soueïda, al-Joulani a été contraint de retirer ses hommes, mais il a aussitôt encouragé des tribus alliées à appeler à l’extermination des Druzes. La ville est désormais économiquement étranglée, soumise à un blocus des régions sunnites voisines, tandis que des tentatives d’ouvertures de fronts militaires se multiplient à ses abords.
Commentaires