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Que faire face à la République islamique d’Iran ? Petit bilan de 45 ans d’atermoiements occidentaux face à une guerre qui ne dit pas son nom

Atlantico : Est-ce que la volonté de non-escalade de la part des Occidentaux vis-à-vis de l’Iran n’a pas mené à une escalade lente mais tout aussi redoutable ? Quelle est la part de responsabilité des Occidentaux ?



Alexandre del Valle :Le régime des Mollahs et des Pasdarans (« Gardiens de la Révolution ») mélange depuis sa fondation une pensée révolutionnaire et subversive tiers-mondiste d'extrême-gauche radicalement occidentale avec une pensée islamiste-messianique chiite hétérodoxe (doctrine khomeyniste du « Velayet Faqih »), qui est une synthèse islamo-révolutionnaire à portée régionale et en partie internationale mais qui masque en fait des idées impérialistes au Proche et Moyen-Orient au nom de la révolution contre les grands satans et les petits satans. Le but est en fait une expansion géopolitique iranienne en terre arabe et au Moyen-Orient au nom de la soi-disant « défense de l’islam » et de « la Palestine » et de « Jérusalem » face aux ennemis sionistes juifs et occidentaux.


S’il y a une responsabilité occidentale, elle est à l’origine américano-française : lorsque l’Ayatollah Khomeini, un imam devenu ayatollah par usurpation et en désaccord avec la vraie hiérarchie chiite traditionnelle basée en Irak (Kerbela-Nadjaf), a lancé sa révolution islamiste chiite anti-occidentale en s’alliant tactiquement avec les forces gauchistes iraniennes et mondiales, il n’a pas été arrêté par l’Occident. Pire, il a été accueilli en France, à Neauphle-le-Château, où il a fait des appels publics à la révolution islamiste et anti-occidentale, contre la régime du Chah, notre allié, que l’Occident et la France ont laissé tomber de facto. Et lorsque que l’armée iranienne du Shah pouvait encore mater la double révolution marxiste et islamiste en cours contre le Shah, Khomeiny a pu rentrer à Téhéran et récupérer à son profit la révolte avec l'ordre des Américains à l’armée iranienne de ne pas réprimer, et avec l'acceptation de Valéry Giscard d’Estaing, qui n'a pas écouté les services secrets français, notamment le Sdece, l'ancêtre de la DGSE, qui recommandaient de ne pas permettre à Khomeini de revenir à Téhéran, voire même de l’éliminer. Donc la France, sous l'ordre des Américains à l'époque (le démocrate Jimmy Carter qui croyait pouvoir composer avec Khomeiny), a laissé ce régime prospérer après avoir accueilli ce fanatique Khomeini. 


Par la suite, il est vrai que la guerre anglo-américaine en Irak en 1990 puis surtout en 2003 a permis de déstabiliser les sunnites alors au pouvoir en Irak (pays à 60 % chiite), au profit des séparatistes kurdes et des Chiites, ce qui a permis, en raison de l’ingénierie socio-politique US de « regime change », à l'Iran d’élargir sa profondeur stratégique en Irak en récupérant et en instrumentalisant les partis chiites vainqueurs des élections encouragées par les Etats-Unis et les milices chiites radicales en Irak. Donc la déstabilisation de l’Irak du sunnite Saddam Hussein a laissé la place à la révolution chiite pro-iranienne en Irak. A partir de la présidence Obama, les choses ne sont pas arrangées : avec le départ subit des troupes américaines d’Irak en 2009, les chiites revanchards ont continué à s’en prendre aux anciens dominateurs sunnites en Irak, qui ont rejoint en réaction Al-Qaïda et Daech, puis les révolutions arabes voulues par l’Administration Obama, récupérées par les Frères musulmans, le Qatar, la Turquie d’Erdogan et les Iraniens, a déstabilisé la Syrie et le Yémen, ce qui a notamment permis aux révolutionnaires houthis chiites zaydites de lancer des offensives en zone sunnite du Yémen et dans la capitale du pays, avec un soutien croissant de la République islamique iranienne qui a désormais un nouveau proxy au Yémen capable de déstabiliser le commerce international, les pays sunnites du Golfe et la région étant donné l’accès des Houthis à la Mer rouge et leur capacité à rendre inopérants le détroit de Bab al Mandeb et la canal de Suez…


Les révolutions arabes voulues par Barack Obama ont donc été plus que dramatiques et déstabilisantes pour la région, au plus grand profit de Téhéran qui accroit son pouvoir de nuisance en permanence depuis 40 ans. Au grand bénéfice de l’Iran, les Houthis, qui ont certes en partie leur agenda propre mais dépendent des armes iraniennes, sont devenus un État chiite dans l'État yéménite fragilisé et fragmenté, et cela a donné une arme extraordinaire aux Iraniens qu'ils n'avaient pas avant, car pendant longtemps, les Houthis étaient très peu liés à l'Iran avec qui ils ne partagent même pas la même idéologie chiite puisqu’ils sont zaydites et les Iraniens et les irako-libanais duodécimains (« imamites ») 2014. On voit bien que les révolutions arabes ont totalement déstabilisé les pays du Golfe et les pays arabes, et donc que toute la politique étrangère US démocrate comme néo-cons ou républicaine classique depuis des décennies a renforcé de facto les Iraniens. 


Autre erreur de taille aux conséquences durables : pendant la guerre du Golfe de 1990, motivée officiellement selon l’ONU afin d’empêcher l’invasion du Koweït par l’Irak de Saddam Hussein, les Etats-Unis, et dans leur volonté d’entraîner la Syrie dans la coalition internationale et arabe contre l’Irak, ont « motivé » Hafez al Assad, père de Bachar et ex-homme fort syrien, en autorisant l’armée syrienne – donc un allié stratégique de l’Iran chiite khomeyniste -  à envahir le Liban !, ce qui a permis au Hezbollah protégé par Damas et Téhéran de triompher au Liban et de devenir le vrai pouvoir du pays en tant qu’Etat, parti et armée plus puissant que l’Etat libanais et aux ordres de Téhéran... Comme en Irak et au Yémen, paradoxalement, on peut dire que la politique étrangère anglo-américaine a consisté à permettre l’expansion de l’impérialisme chiite-iranien dans la région… Le Liban est devenu un protectorat du Hezbollah, les Houthis ont triomphé dans plus de la moitié du Yémen, la Syrie a renforcé son alliance avec la Russie et l’Iran pour résister aux révolutionnaires sunnites encouragés en partie par les Occidentaux, et l'Iran gagne donc sur tous les fronts.


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