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Pourquoi il faut interdire les associations liées aux Frères Musulmans

Le gouvernement est mobilisé dans la lutte contre le terrorisme et le séparatisme. Après les récents attentats à Conflans-Sainte-Honorine et à Nice, Alexandre del Valle revient avec Emmanuel Razavi (Grand reporter et directeur de la rédaction de GlobalGeoNews) sur l'attitude du président Erdogan et sur le rôle des Frères musulmans.


Après deux semaines marquées par une actualité terroriste extrêmement chargée (décapitation de Samuel Paty, attentats de Nice et Vienne), Alexandre del Valle revient sur le débat autour des caricatures de Mahomet et de la lutte contre le "séparatisme islamiste", qui ont valu au Président Emmanuel Macron les foudres du néo-Sultan Recep Taiyyp Erdogan et de ses alliés Frères musulmans arabes et européens. Il a rencontré pour cela l'un des meilleurs connaisseurs de la Confrérie islamiste en France, Emmanuel Razavi, Grand reporter, spécialiste de la géopolitique du Moyen-Orient et directeur de la rédaction du site d’informations GlobalGeoNews.


Pour Emmanuel Razavi, qui a cosigné avec Del Valle l'ouvrage Le Projet*, le fait que les Frères musulmans soient la matrice du totalitarisme islamiste et du jihadisme et que cette organisation liée dans le passé au IIIème Reich soutienne des groupes terroristes comme le HAMAS puis ait présidé à l'éclosion d'Al Qaïda, devrait suffire à l'interdire. Étonnamment, les gouvernements successifs français et européens, exceptée l'Autriche, n'ont jamais essayé d'interdire cette Confrérie islamiste totalitaire, pourtant considérée organisation terroriste en Egypte, en Arabie saoudite et aux Émirats Arabes Unis.


Des Talibans en Afghanistan au Hamas à Gaza, en passant par al-Qaïda dans les camps de réfugiés palestiniens du Liban, Emmanuel Razavi a réalisé depuis 20 ans de nombreux reportages sur les mouvements islamistes et jihadistes. Auteur de plusieurs livres et documentaires sur le sujet, il est aussi l’un des rares journalistes français à avoir rencontré les dirigeants de l’Organisation des Frères Musulmans en Égypte, au Qatar et en Europe.

Auditionné par la commission parlementaire d’enquête sur l’islam radical qui s’est tenue l’année passée, son expérience de terrain s’avère donc une source d’informations aussi rare que précieuse. Entretien. 


Alexandre del Valle : Vous dites qu’il faut interdire les organisations liées aux Frères Musulmans en France ? Quel danger représentent-elles selon vous, qui êtes l’un des rares journalistes français à avoir rencontré leurs dirigeants ?


Emmanuel Razavi : J’ai vu, lors des nombreux reportages que j’ai réalisés au Moyen-Orient pour Arte, le Figaro Magazine ou Valeurs Actuelles, toute la violence que produisaient les islamistes liés à l'organisation des Frères musulmans. En façade, ils ont un discours apaisé. Dans les faits, c’est autre chose. Je les ai vus s’en prendre aux journalistes lors de la révolution en Égypte en 2011. Je les ai vus également tuer des gens à quelques mètres de moi. Depuis 20 ans, J’ai par ailleurs rencontré les principaux cadres de la Confrérie. Ils ne se cachent pas de leur idéologie anti-occidentale et de leur objectif, qui est de vouloir imposer la loi islamique partout où vit un musulman et à terme édifier un Califat totalitaire planétaire ("Takmine planétaire", ndlr). Je ne vois donc pas pourquoi l’on accepterait leurs disciples, imams et prédicateurs sur notre territoire. Je rappelle tout de même que les Frères musulmans ont été les alliés d’Hitler durant la seconde guerre mondiale, qu’ils sont ouvertement antisémites, et qu'une de leurs figures historiques quasi sacrée, qu'ils ont même aidé à se soustraire au tribunal de Nuremberg, était le Grand Mufti de Jérusalem Amine al-Husseini, plus grand leader musulman palestinien allié à Hitler, qu'il côtoya d’ailleurs à Berlin. On croit les "Ikhwan" apaisés car ils parlent d’un « islam politique » et se promènent en costume cravate. C’est un leurre. Depuis 1928, les Frères musulmans forment une organisation islamo-révolutionnaire qui a pratiqué la violence à chaque fois qu’elle n’a pas obtenu ce qu’elle voulait par le biais des urnes. Ils ont inspiré la plupart des mouvances islamistes jihadistes modernes, du Hamas à Al-Qaïda. Ce fut le cas notamment dans l’Algérie des années 1990, où les héritiers des Frères musulmans (FIS, GIA) ont mis le pays à feu et à sang, et provoqué la mort d'au moins 150 000 personnes.


ADV: En France, qui les représente ?


E.R: L’ex-Union des organisation islamiques de France (UOIF, ndlr), rebaptisée « Musulmans de France », est considérée comme une émanation de l’organisation des Frères Musulmans. Plusieurs de ses cadres se réfèrent à ses théoriciens historiques comme Seyed Qutb, qui était partisan de tuer les apostats et qui est la référence suprême du jihadisme moderne, y compris des islamistes chiites khomeynistes qu'il a inspirés et qui lui ont même accordé des rues et places à son nom en Iran. On peut surtout citer le célèbre prédicateur des Frères Youssef Al Qardawi, basé au Qatar, co-fondateur de toutes les structures officielles des "Ikhwans" en Europe, qui a émis plusieurs fatwas exhortant des jeunes à se "kamikazer" en Israël ou en Irak.


ADV : Il a même écrit dans son manuel de jurisprudence islamique adressé aux jeunes musulmans européens, Le Licite et l'illicite, en vente libre à la FNAC, sur Amazon et dans de nombreuses librairies islamiques et mosquées de France fréristes ayant pignon sur rue, que les musulmans peuvent légitimement tuer les apostats, les blasphémateurs et les adultères, puis, dans de nombreuses fatwas, les "juifs sionistes" et les homosexuels...


E.R: Oui, vous me l'enlevez de la bouche! Toute la littérature des Frères appelant à la haine et aux meurtres ou soutenant le terrorisme du Hamas sous couvert de "résistance" est sidérante, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle l’EX-UOIF, la branche française des Frères musulmans, a été placée en 2014 sur la liste des organisations terroristes des Émirats Arabes Unis, alors qu’en France elle a prospéré sous forme d’association loi 1901 en toute liberté et parfois avec l'appui financier des collectivités territoriales! C’est tout de même invraisemblable. Il faut comprendre que l’organisation des Frères Musulmans est la matrice idéologique du jihadisme contemporain. Ils n’ont d’ailleurs jamais été les représentants des "musulmans en France" contrairement à ce qu’ils prétendent. Contrairement aux musulmans français, majoritairement intégrés, ils servent un projet idéologique d'infiltration, de conquête et d’asservissement en vue d'un Califat totalitaire universel qui imposerait partout sur la terre le "règne des lois de Dieu". Il suffit de lire les textes de Hassan al Banna, Sayid Qutb ou al-Qaradaoui qui ont théorisé, écrit et enseigné tout cela, et que les Frères musulmans "modérés" n'ont jamais renié et diffusent même...


ADV: Donc vous pensez que ceux qui veulent imposer leurs règles religieuses à la France ne sont pas les bienvenus ?


E.R: La France est une terre de laïcité et de liberté d’expression, mais aussi d’égalité entre hommes et femmes. Chacun a le droit d’y pratiquer son culte librement, pour autant qu’il ne remette pas en question les valeurs de la République. L’on n’a rien à faire dans ce pays si l’on ne les partage pas. Que l’on soit clair :  pour moi le problème n’est pas l’Islam car la majeure partie de nos concitoyens de confession musulmane sont parfaitement intégrés, je suis bien placé pour le savoir. Ils ne se définissent pas comme musulmans, mais comme Français. Le problème, c’est le continuum extrémiste de cette religion, à savoir l’islamisme qui veut déconstruire le socle philosophique, historique et républicain de la France.


ADV: Encadrer davantage la liberté d’expression en France peut-elle permettre d’endiguer la menace islamiste ?


E.R: Non. En France la liberté d’expression est suffisamment encadrée. Et puis, l’on n’a pas à céder à l’émotion, encore mois aux pressions religieuses en matière de liberté d’expression. Rappelons que les boycotts anti-français n’ont à l’origine rien à voir avec les caricatures de Charlie Hebdo, comme je l’ai déjà expliqué dans les colonnes de GlobalGeoNews et dans une longue enquête que j’ai réalisée avec ma consœur Peggy Porquet. Ces campagnes de boycotts avaient déjà eu lieu en 2018 au Maghreb, ciblant de grandes entreprises françaises implantées en Algérie et au Maroc. Elles trouvent leur origine dans les années 2000 et ont été pensées par des théoriciens de l’organisation des Frères Musulmans comme Jassim Sultan ou Azam Tamimi, activement soutenus par le Qatar et la Turquie. Au forum des Frères Musulmans al Sharq qui se tient annuellement en Turquie, cela fait des années que les islamistes fréristes et alliés parlent de "jihad économique" et de boycott contre les entreprises des anciennes puissances coloniales et par conséquent, contre la France. 


Rappelons aussi qu’en Algérie, il n’y eut aucune affaire de caricatures avant qu’éclate la guerre civile dans les années 1990. Et en Autriche, récemment, il y a eu six attentats simultanés la semaine dernière, alors que les Autrichiens n’ont pas publié les caricatures et sont un pays concordataire où les imams sont payés avec l'argent des impôts de tous les Autrichiens. Il faut donc cesser de trouver des justifications aux attentats. Personne ne va poser des bombes au Qatar ou en Turquie parce que ces pays entravent la liberté de la presse et emprisonnent leurs opposants. On n’a donc pas à céder à leurs pressions.


ADV: Comment en finir vraiment avec l’islamisme radical ?


E.R: Il faut être sans compromis. Mais tout ne se réglera pas uniquement par la force. Il y a bien sûr la nécessité de fermer les associations liées aux Frères Musulmans et aux réseaux salafistes. Il faut cependant redonner les moyens à la police de se faire respecter dans certaines cités, devenues des foyers communautaristes. Il faut aussi pénaliser les idéologies fréristes et salafistes. Mais cela doit aussi s’accompagner d’un travail éducatif. Car tout commence à l’école. Il faut donc apprendre aux enfants à être fiers de notre histoire, fiers d’être Français, quelle que soit leur origine. Leur expliquer que la religion est une affaire privée et que la France demeure une patrie où l’égalité entre hommes et femmes, comme la liberté d’expression, sont non négociables.


ADV: Vous êtes d’origine iranienne. Comment voyez-vous la France, terre d’asile ?


E.R: Je suis en effet d’origine iranienne par mon père, mais de mère française. Je suis né en France et je suis français, même si j’aime dire que je suis un enfant de l’Orient et de l’Occident. Une partie de ma famille iranienne a trouvé asile en France lors de la révolution islamique conduite par l’ayatollah Khomeiny en 1979, une révolution totalitaire qui a largement été inspirée, bien que l'Iran soit chiite, par l'idéologie des Frères musulmans dont l'Ayatollah Khomeiny était adepte et membre de leur structure locale iranienne, les Fedayn-é-islam. Je suis donc bien placé pour savoir que la France est une formidable terre d’accueil. La France contribue chaque année à sauver des vies. Pour cette raison, je comprends bien ce que m’a enseigné mon père, né en Iran, mais devenu français par choix et par amour. « En France, on aura toujours plus de devoirs que de droits, parce que la France a accueilli notre famille », m’a-t-il dit un jour. Je trouve cela magnifique. Lorsque l’on choisit la France, on doit partager ses valeurs et les défendre. Au-delà de la nationalité et de la langue, être Français, c’est s’accaparer une histoire, c’est aussi adhérer à une culture autant qu’à un projet de société.


ADV: Pensez-vous comme certains débatteurs et politiques de plus en plus remontés depuis les dernières vagues d'attentats commis par des immigrés, comme à Conflans saint-Honorine ou Nice, qu’immigration et terrorisme soient liés ?


E.R: L’islamisme auquel nous sommes confrontés est une idéologie née au Moyen-Orient qui a été importée en France par le biais de gens qui y ont immigré. Prétendre l’inverse, c’est nier la réalité historique du phénomène islamiste. Je pense toutefois que la réponse est plus complexe que la question. La majeure partie des immigrés que nous recevons viennent pour faire des études, pour travailler, bref trouver une vie meilleure et s’intégrer. La plupart des gens issus de l’immigration sont devenus des Français à part entière et partagent nos valeurs. Cependant l’on ne peut nier qu’une partie de la jeunesse issue de l’immigration maghrébine a pu se sentir mise à l’écart. Le ressenti anticolonialiste d’une partie d’entre eux, savamment entretenu par des prédicateurs sans scrupules d’origine tunisienne ou marocaine, mais aussi parfois par des familles qui ont renoué avec une certaine orthodoxie, ont joué un rôle important dans la fracture vécue par ces jeunes. Pour mieux les intégrer, il faut redonner à l’école les moyens de le faire, soutenir davantage les enseignants qui transmettent nos valeurs. Mais il faut aussi réguler les flux et interdire l’accès à notre territoire à tous ceux qui n’adhèrent pas à nos valeurs et y importent leur idéologie obscurantiste. Je crois pour ma part en une immigration choisie, qui doit reposer sur l’adhésion à notre culture et nos valeurs.


ADV: Un certain nombre d’intellectuels considèrent que la France n’a pas su intégrer une partie de la communauté musulmane, qu’il existe dans notre pays un racisme antimusulman ? Qu’en pensez-vous ?


E.R: Le racisme a toujours existé, partout dans le monde. Pour autant en France, ce n’est pas une généralité. La France est un pays respectueux de chacun. Je ne crois pas davantage au terme d’islamophobie qui est un élément de langage tendant à présenter les musulmans comme des victimes et qui est utilisé par les Frères musulmans et leurs alliés. Ne soyons pas naïfs, ce terme est employé pour empêcher toute critique de l’islamisme. Encore une fois, combattre l’islamisme, ce n’est pas faire acte de racisme antimusulman. Ceux qui défendent cette idée se trompent et font le lit, au non d’une certaine bien-pensance, de l’obscurantisme. Maintenant, il s’agit de savoir d’où parlent ces intellectuels qui défendent l’islamisme, et quelle est leur expertise du sujet. Ont-ils par exemple lu les textes fondateurs des Frères Musulmans ? Savent-ils décrypter leur discours, les ont-ils rencontrés ? Pour la plupart, ce n’est pas le cas. Je pense ainsi que ce sont souvent les mêmes courants philosophiques et politiques qui présentaient Khomeiny en saint homme ou en nouveau Gandhi en 1979 qui servent aujourd’hui d’alliés à l’islamisme. Personnellement, concernant l’islamisme, j’en reste à l’expérience du terrain et aux textes de ses fondateurs. Je parle de ce que je connais, de ce que j’ai vu et vécu. Et clairement, ces islamistes que j’ai vus et rencontrés, je le dis et le répète, n’ont rien à voir avec l’Islam. Ils sont aussi dangereux que ceux qui prônaient l’idéologie nazie en leur temps. Enfin, pour finir de répondre à votre question, il me semble, selon les chiffres, que les communautés les plus touchées par des actes antireligieux en France sont les juifs et les chrétiens. On entend pourtant très peu parler de judéophobie ou de christianophobie. C’est une inversion totale de la réalité, c’est totalement Orwellien.

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