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Portrait d'Alexandre del Valle dans l'Incorrect


PORTRAIT RÉALISÉ PAR LOUIS LECOMTE

Alexandre del Valle nous a accueillis avec son sourire bienveillant, vêtu d’un costume italien à la Mastroianni. Expert visionnaire en géopolitique, il a été le premier à évoquer le péril de la Turquie « national-islamiste » d’Erdogan et la stratégie subversive des islamistes « coupeurs de têtes » (jihadistes) ou « coupeurs de langues » (Frères musulmans) en Europe.


Son amour pour l’Italie n’est pas feint. Lorsqu’Alexandre del Valle fait du café agrémenté de chocolat, c’est toujours dans une authentique cafetière Moka. Posés à côté de l’instrument traditionnel, trois smartphones. Alexandre del Valle en ramassera deux pour aller ouvrir sa porte au photographe. « C’est une mesure de sécurité », explique-t-il courtoisement. « Je vous fais confiance, mais un protocole est un protocole. »


L’homme est un savoureux mélange de charnel et de virtuel, aussi à l’aise avec un iPhone qu’avec une guitare. Un instrument dont il a appris à jouer dans les rues marseillaises avec les gitans, dans les années 1970.

À l’époque, « on pouvait passer une journée entière dans les quartiers nord de Marseille à parler sicilien. Tout le monde parlait plus ou bien l’italien ». Une enfance qui s’est déroulée dans les mêmes cités « pourries » qu’aujourd’hui, mais dans une ambiance totalement différente. A l’époque on pouvait être fier d’être « rital », mais on ne crachait pas sur la France et on était reconnaissante envers elle. Ni communautarisme, ni misérabilisme : « La France est un pays extraordinaire qui permet à des gens très modestes de faire des études s’ils en ont la volonté. Elle me l’a permis via les bourses que j’ai perçues jusqu’à presque vingt-sept ans ».


Des études de commerce international, assez peu assidues. Jusqu’au moment où il découvre par des amis la cause du Liban chrétien, alors durement attaqué de l’extérieur comme de l’intérieur par les terroristes palestiniens sunnites. L’antagonisme avec le Hezbollah chiite pro-iranien viendra plus tard. Les Chrétiens maronites qui avaient accueillis à bras ouvert (dans un pays qu’ils contrôlaient encore un peu) leurs « frères » palestiniens sunnites le regretteront vite et seront payés de retour par des attaques… Conscients de l’erreur d’ouverture excessive et non-réciproque des chrétiens envers les musulmans intolérants, ces Maronites annonceront des les 1990 que la France chrétienne paierait très cher son accueil de millions de musulmans. Le « syndrome palestinien »… Une leçon à méditer selon Del Valle par tous les Occidentaux palestinophiles (très nombreux à l’Ultra Gauche antisioniste mais aussi à l’Ultra-droite chrétienne et néo-païenne antijuive) qui ne savent même pas que l’OLP et les terroristes palestiniens ont été les plus grands tueurs de chrétiens arabes avant Daech.


Après des séjours au Liban en 1988 et en 1990, celui dont la famille sicilienne est passée par la Tunisie, l’Algérie et l’Espagne, se sent alors une solidarité méditerranéenne et civilisationnelle. « C’est le Liban qui a été le creuset de la vocation de géopoliticien. Ce pays symbolisait et symbolise encore les immenses défis que l’Europe doit affronter » et les conditions d’une convivialité. C’est donc sur les côtes de Phénicie qu’il comprend que l’islamisme radical anti-chrétien autant qu’anti-juif sera le sujet du XXIe siècle. D’où son best-seller : « Le totalitarisme islamiste à l’assaut des démocraties (Les Syrtes, 2002), qui lancera l’expression, désormais reprise par tous, « totalitarisme islamiste ».

Réalisant l’ampleur du danger, il sera motivé pour poursuivre ses études à Sciences-po (IEP Aix-en-Provence), suivies d’un DEA d’histoire militaire-défense (Aix-en-Provence/Montpellier) et d’un second DEA d’Histoire des Idées politiques et des institutions (Milan/Aix) avant d’entamer une Prépa-ENA à Science-Po Paris puis un doctorat d’Histoire contemporaine option géopolitique à Montpellier III. Des études qui lui ouvriront les portes de l’administration, plus précisément celles du Secrétariat général de la Défense Nationale (ex-SGDN) puis de la Région Ile-de-France au département affaires internationales, et en fin au Parlement européen (groupe UDC). Jusqu’au moment où il sort ses premiers bouquins. C’est notamment « Islamisme-Etats-Unis, une alliance contre l’Europe (1997), préfacé par le célèbre Général Gallois (résistant historique gaulliste), et Guerres contre l’Europe, Bosnie, Kosovo, Tchétchénie (1990) qui sera l’occasion de sa première grande promo médiatique puisque figurera sur la couverture le portrait d’un certain Oussama Ben Laden, encore presque inconnu deux ans avant le 11 septembre... Ces deux ouvrages défrichent des terrains géostratégiques alors relativement nouveaux. Ils sont surtout déjà structurés par la méthode del Valle, qui a très peu changé depuis : des pavés ultra-documentés, parfois ardus à lire à cause de la densité de références, dates, chiffres et citations, mais à l’argumentation très étayée.


Cette médiatisation rapide lui vaut de solides ennemis très tôt, surtout en provenance de l’extrême-gauche trotskiste, des journaux Le Monde et Libé, etc. Son avocat Gilles-William Goldnadel confie alors : « Je n’ai jamais vu un tel acharnement sur une personnalité aussi jeune ». Le monde de l’université, notamment les Bruno Etienne et les Olivier Roy pro-islamistes et pro-palestiniens, ne l’a jamais accepté. Ces attaques violentes ne sont pas exclusivement intellectuelles. Lorsqu’il est assistant parlementaire de Magdi Allam, député européen italien de centre droit, il est un jour attaqué par un fanatique qui voulait lui faire payer ses positions pro-serbes et pro-russes. Del Valle du haut de ses dix ans de boxe thaï sera obligé de se défendre en pleine conférence au Sénat. « Parfois je retrouvais des photographies de personnes torturées, avec le visage arraché, collées sur ma porte ». Charmant. Mediapart en particulier le marque à la culotte comme Materazzi Zidane, espérant sans doute un coup de boule bien senti. L’acharnement d’Edwy Plenel à tenter de le salir est tel que beaucoup d’adversaires idéologiques de del Valle lui enverront des messages de soutien (voire de félicitations) par texto ou au détour d’un plateau.


Comment vivre avec la meute des collabos de l’islamisme qui vous colle au train ? Avec du courage physique et du courage intellectuel. Quand on a raison il faut assumer. Alors tant pis pour les étiquettes.


Il sera accusé de tout et son contraire, mais rarement de ce qu’il est vraiment, ironise-t-il ! De toute façon, comme il le dit lui-même, un géopoliticien est nécessairement classé à « droite ou politiquement incorrect parce que son travail consiste à désigner ennemis et menaces ». L’autonomie est la meilleure garantie de la liberté. Alexandre del Valle dit ce qu’il veut dans les médias, parce qu’il n’en a pas tant besoin. Ancien militant du RPR-UDF à Marseille dans les années 1990 de ses études, puis fan de Charles Pasqua et Philippe de Villiers au temps du RPF, Del Valle a été un des premiers adhérents de l’UMP (au sein duquel il a créé « la Droite Libre » avec Rachid Kaci et a participé à la campagne de Nicolas Sarkozy en 2006-2007). Toutefois, déçu des promesses non tenues de Sarkozy plus soucieux du bling bing et de Carla que de ses fidèles militants, puis horrifié par l’erreur géopolitique monumentale de l’intervention en Libye qui a déstabilisé la Méditerranée, ce « géopolitologue libéral-conservateur » prendra peu à peu ses distances avec la politique partisane.


Désormais, il travaille dans plusieurs think-tanks, en particulier à Global Geonews (Barcelone), au Multipolar World Institute (Bruxelles) et au Centre français de Recherche sur le Renseignement CF2R avec Eric Dénécé. Il enseigne également les relations internationales et la géopolitique à l’IPAG. Ses trois derniers essais « Les Vrais ennemis de l’Occident ; du rejet de la Russie à l’islamisation des sociétés ouvertes, 2016), Le chaos syrien tomes I et II (avec l’opposante syrienne Randa Kassis, 2017) ; puis La stratégie de l’intimidation (2018), ont poursuivi et confirmé ses analyses faites depuis les années 1996.


Un travail passionnant qui ne lui laisse pas beaucoup de loisir. Un temps qu’il occupe – entre autres – à accompagner à la guitare sa femme qui joue du piano. Ce jour-là, traînait une partition d’Ennio Morricone sur le pupitre : Giù la testa !

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