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“L’embargo total sur le gaz russe est totalement impossible” : entretien avec Randa Kassis

Cette semaine, notre chroniqueur Alexandre del Valle, revient sur les effets des sanctions occidentales contre la Russie — non appliquées par le reste du monde. Il a recueilli à cet effet les propos de l'opposante syrienne Randa Kassis, experte de la politique étrangère russe et qui a pratiqué les militaires et les diplomates russes depuis 2013 en Syrie dans le cadre des difficiles négociations syro-turco-irano-russes autour de la guerre civile syrienne.



Alexandre Del Valle. Chère Randa Kassis, vous êtes l’auteur d’un ouvrage remarqué, La Russie au Moyen-Orient (L’Artilleur, Paris, 2017 et du Chaos syrien, L’Artilleur, Paris, 2016), et vous travaillez en détails sur la question des sanctions décidées par l’Occident contre la Russie depuis mars 2022. Elles n’ont pas l’air de fonctionner exactement comme le veulent les Occidentaux, mais elles devraient avoir des effets terribles sur l’économie russe dans quelques mois si l’embargo sur le gaz et le pétrole est décrété. Qu’en pensez-vous ?


Randa Kassis. Il faut différencier l’impact que peuvent avoir les sanctions : un “ban” sur le pétrole russe aura un impact faible sur l’économie russe car il est plus aisé pour eux de rediriger leurs exportations vers l’Asie (Chine, Inde etc…) dans un laps de temps court. Il est aussi probable que les Européens n’appliqueront pas un ban qui serait effectif du jour au lendemain mais plutôt progressif d’ici la fin d’année, ce qui laisse du temps aux Russes.


En ce qui concerne un ban strict sur le gaz, il serait beaucoup plus problématique, et il serait quasi suicidaire pour les Européens qui n’ont pas réellement de solution alternative. Pour remplacer l’importation de 155 milliards de mètres cube, cela prendra des années, quoi qu’en dise Mme Von der Leyen. 90 % des exportations du gaz du Qatar est constituée de contrats à long terme avec des pays d’Asie. L’Algérie n’a quasiment plus aucune capacité supplémentaire après l’accord avec l’Italie: les installations du pays sont anciennes et manquent d’investissements depuis 30 ans. L’Azerbaïdjan ne peut augmenter ses exportations vers l’UE que modérément, car les capacités du gazoduc venant de la mer Caspienne ne sont que de 19 milliards de mètres cube. Enfin, le gaz de schiste américain a un coût très élevé et il manque environ 300 méthaniers pour l’exporter de manière massive vers l’Europe. Bref, la solution viable n’existe pas à court ou moyen terme !


En ce qui concerne les produits dérivés issus du raffinage de pétrole (kérosène, diesel, fuel, etc), les contournements sont encore plus aisés: le patron de Shell, Ben van Beurden, rappelait dans une interview à Fortune, qu’il est impossible techniquement de « tracer » du fuel et du diesel raffinés dans des pays qui contournent les sanctions contre la Russie en réexportant des hydrocarbures russes raffinés dans leurs pays. Il donne l’exemple de diesel et de fuel russes mais raffinés en Inde qui seront vendus légalement comme indiens au reste du monde…


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