L’Europe face au dilemme biélorusse
Emmanuel Macron s'est rendu au Liban dans le cadre d'une urgence absolue. Alexandre Del Valle revient sur cette intervention et sur le rôle de l'Union européenne en politique internationale.
Atlantico : Quel sens y a t’il pour l’Union Européenne à vouloir intervenir au Liban et non pas en Biélorussie ?
Alexandre Del Valle : La France tente d’intervenir au Liban dans le cadre d’une urgence absolue afin de secourir un pays au bord de la famine. La question des réformes n’a été mise sur la table uniquement parce que le président français Emmanuel Macron sait qu’elles sont la condition sine qua non à ce que le FMI débloque les 11 milliards d’euros négociés lors de la Conférence du Cèdre.
La situation géopolitique de la Biélorussie est totalement différente. La Communauté Internationale a très peur d’y intervenir car elle se réjouit que le dictateur biélorusse en place continue de s’opposer à l’impérialisme de Moscou. L’Europe a compris de ses erreurs passées : son intervention en Ukraine afin de soutenir le pan pro occidental avait déclenché une réaction radicale des Russes qui s’est conclue par une annexion de la Crimée. Les dirigeants européens ne désespèrent pas que la Biélorussie se rapproche un jour de l’UE dans le but de contrer les tentatives d’annexion de la part de la Russie. La real politique - cynique - européenne est donc de tolérer ce qu’il se passe en Biélorussie.
En quoi le cas de la Biélorussie est-il révélateur des contradictions européennes?
L’indignation des Occidentaux est à géométrie variable. L’UE diabolise ceux qui dénoncent l’immigration clandestine, mais ferme les yeux devant ceux qui se couchent devant les dictatures arabes, la Chine, le Venezuela, le Hezbollah … Mais devant un populiste rouge brun comme le dictateur biélorusse : aucune réaction.
La première cause de cette hypocrisie géopolitique est l’OTAN. Depuis sa création, son ennemi désigné est clair : la Russie. Et l’organisation est prête à s’allier avec le diable tant que cela ne profite pas aux Russes. On pardonnera tout aux Biélorusses comme aux groupes philo nazistes d’Ukraine ou aux « combattants de la liberté » Croates dans la Serbie des années 90 tant que cela permettra de lutter contre Moscou.
La deuxième cause, sans lien bien que complémentaire : le politiquement correct. Il s’agit d’une forme de pathologie collective au sein des organismes de européens qui consiste à toujours voir chez l’autre quelqu’un de mieux que soi. C’est le même manichéisme à double standart, la même stupidité que l’on retrouve dans la politique française. Un policier tué en France, c’est banal, un voyou de couleur tué aux États-Unis, c’est une abomination.
Comment l’UE peut-elle sortir de cette impasse idéologique et politique ?
L’UE, d’un point de vue structurel, ne pourra jamais être un acteur crédible, souverain global de la politique internationale tant qu’elle sera un satellite de l’OTAN. Je ne suis en rien hostile à l’OTAN. Cependant l’Europe ne peut se résumer à une terre de consommation américaine et de Droits de l’Homme, sans identité ni souveraineté. La seule défense de l’Europe demeure commandée par les Américains. Tant que l’OTAN définira qui est l’ami ou l’ennemi de l’Europe, l’UE ne pourra prendre des décisions qu’au bon vouloir des Américains. Elle est la seule entité géopolitique au monde qui est un destructeur de souveraineté, sans en construire une nouvelle. Nous sommes un continent « ventre mou » en voie de tiers mondisation. Elle demeure le continent de l’impuissance, sans volonté ni d’affirmer son identité ni de la défendre, qui détruit son Histoire. Encore aujourd’hui, l’Europe demeure un no man’s land de souveraineté.
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