Alexandre del Valle : La mort du chef du Hamas a Gaza Yahya Sinwar va-t-elle changer la donne ?
TRIBUNE. Avec la mort de Yahya Sinwar, éliminé par les forces armées israéliennes, le Hamas est privé de son chef mais aussi de celui qui avait organisé l'attaque terroriste du 7 octobre. Un rude coup porté à l'organisation terroriste mais qui a peu de chance d'affecter sa stratégie à long terme pour Alexandre Del Valle.

Pour nombre de Palestiniens, Sinwar est l’homme qui, par le massacre ultramédiatisé du 7 octobre, a réinséré la cause palestinienne, oubliée sous Donald Trump avec les accords d’Abraham, dans les agendas des pays du monde entier, y compris occidentaux, à l’instar de l’Espagne de Pedro Sanchez qui a reconnu l’Etat palestinien en réponse aux représailles de l’armée israélienne. Il est vrai que la stratégie de Sinwar visant à provoquer une réaction israélienne suite au carnage du 7 octobre a permis de reparler comme jamais d’une cause qui commençait dangereusement à être mise de côté depuis le printemps arabe. Sinwar a par ailleurs misé sur la défaite militaire et territoriale escomptée du Hamas à Gaza pour gagner les esprits des Palestiniens de Cisjordanie et de Jordanie, bien plus nombreux, galvanisés par le sang des martyrs de Gaza. Les responsables israéliens ne vont donc pas s’arrêter ni attendre que l’ennemi reconstitue ses forces, et il va d’aller bien plus loin encore pour éradiquer tant le Hamas à Gaza que le Hezbollah au Liban, puis les Houthis au Yémen, afin d’avoir les mains libres pour frapper la « tête du serpent », la République islamique iranienne. La guerre va donc continuer des mois encore, comme l’ont confirmé Benny Gantz et Belazel Smotrich, qui ont rejeté toute idée de cessez-le-feu.
L’un des prétendants possibles à la succession de Sinwar est son frère cadet, Mohammed. D’autres pensent à Meshaal, ou encore à une autre figure de la diaspora gazaouite-palestinienne. Même si beaucoup dépendra de qui prendra le relais, il est toutefois difficile d’imaginer un nouveau dirigeant faire des compromis avec les Israéliens dans l’immédiat. Toujours-est-il que le mouvement, dans sa vie clandestine jihadiste et même idéologico-politique, n’est pas mort. Et l’élimination de Sinwar ne va pas démoraliser un mouvement très collégial dépourvu de culte de la personnalité qui avait continué à croire après l’assassinat, par des hélicoptères israéliens, de Cheikh Ahmed Yassin, le fondateur du Hamas, en 2004. On se rappelle aussi le Hezbollah qui a parfaitement survécu à la mort, le 16 février 1992, de son premier chef, Abbas Moussaoui, très vite remplacé par Nasrallah, lequel le sera lui aussi bientôt. Quelle que soit la suite des événements, pour un djihadiste aguerri comme Sinwar, la « fin » prédite par Netanyahu était « le plus grand cadeau que l’ennemi puissent me faire », déclarait-t-il lui-même en mai 2021. Le slogan jihadiste célèbre : « nous aimons la mort plus que vous la vie » est quelque chose que les Occidentaux ont toujours du mal à comprendre, y compris les Israéliens. Or l’histoire de l’islamisme radical démontre qu’un jihadiste de moins fait plutôt deux nouveaux militants de plus…
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