Et si tout se passait pour le mieux en 2017, voilà à quoi vous pourriez vous attendre
Réconciliation de la France avec l'économie et ses institutions, normalisation des relations russo-occidentales, rapprochement de Paris et Berlin avec Londres, mise en place de nouveaux vaccins, etc.: voici à quoi pourrait ressembler 2017 si tout allait pour le mieux.

Nous avons demandé à certains de nos contributeurs réguliers, dans l'hypothèse où tout se déroule au mieux, comment est-ce qu'ils envisageaient 2017 suivant leur champ d'expertise. Voici donc les plus grands espoirs pour 2017 en...
1/ Politique
Jean Petaux : La réponse à votre question est forcément et uniquement subjective et ne saurait revêtir une quelconque portée générale. Chacune et chacun met un contenu propre à l’expression "dans l’hypothèse où tout se déroule au mieux"… D’ores et déjà, par exemple, après les événements politiques survenus en France au second semestre 2016, nombreux sont ceux qui auront considéré que "les choses se sont mal déroulées" ou, à tout le moins, que "rien ne s’est passé comme prévu". Je songe ici aux partisans de François Hollande, d’Alain Juppé, de Nicolas Sarkozy (par ordre alphabétique…).
Osons donc le subjectif. Le plus grand espoir pour la nouvelle année pourrait ainsi résider dans la disparition d’une remise en cause, d’une crise structurelle, qui peut être considérée comme l’un des fondements d’un "mal français" de plus en plus présent : la critique généralisée des institutions.
Le mot "institution" vient du latin "instituere" que l’on peut traduire par "disposer, établir, fonder". Les anthropologues, et, au premier rang d’entre eux le grand polonais Bronislaw Malinowski, définissent l’institution comme "une unité élémentaire d’organisation". L’institution "implique un accord mutuel sur un ensemble de valeurs traditionnelles qui rassemblent les êtres humains entretenant un certain rapport avec les uns et les autres, et avec un élément précis de leur environnement naturel et artificiel".
L.M. Morfaux, dans son remarquable Vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines (Armand Colin, 1998), définit l’institution comme "une forme socialement organisée par laquelle, dans une société donnée, s’exercent les fonctions publiques : l’administration, la politique, la justice, l’enseignement, la religion, les Eglises, le travail, la sécurité sociale". On pourrait détailler bien évidemment au sein de l’administration et de la politique les grandes fonctions régaliennes qui constituent l’Etat au sens wébérien du mot : "l’institution qui dispose du monopole de la violence physique légitime" (l’armée, la police, la capacité à lever l’impôt, la souveraineté, etc.).
Or, ce que l’on constate de plus en plus dans la société française (et les travaux passionnants d’un François Dubet sur l’institution scolaire, par exemple, le confirment depuis plusieurs années), c’est la remise en cause constante et généralisée des institutions au sens très large du terme. L’Etat n’apparaît plus comme la structure protectrice qu’il a été, aussi bien dans sa dimension "gendarme" (depuis Hegel) que "providence" (depuis Bismarck, Beveridge, Roosevelt et le programme du Conseil national de la Résistance). La loi, pour reprendre la fameuse phrase du R.P. Lacordaire, n’est plus envisagée comme ce qui affranchit le faible du fort : "Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit". La "loi mosaïque" par exemple, celle fondatrice que l’on trouve dans Le Décalogue et qui est au centre de toutes les pensées judéo-christiano-musulmanes auxquelles s’associent bien évidemment celles du courant des Lumières dans l’Occident du XVIIIème siècle, est constamment remise en cause. Par un obscurantisme envahissant certes, mais aussi par l’accumulation croissante de l’ignorance historique.
La crise de confiance dans les institutions est un cancer mortel dont les métastases envahissent la totalité des relations sociales et sociétales. Comment envisager, un seul instant, la poursuite d’une "partie" dans laquelle les arbitres sont constamment insultés et où les règles sont, en permanence, bafouées ? Configuration qui, hélas, se reproduit chaque fin de semaine sur la ligne de touche de nombre de stades de foot où s’affrontent deux équipes de pupilles, et surtout leurs parents ingérables par de jeunes arbitres bénévoles… La question n’est pas celle du "juste" et de "l’injuste", celle du "bien" ou du "mal". Elle n’est pas non plus celle du "croire" ou du "ne pas croire" dans telle ou telle pensée, philosophie, etc. Elle est tout simplement celle du respect de ce qui constitue le "contrat du vivre ensemble" autour d’un corpus de textes et de règles que les pouvoirs politiques, démocratiquement élus, ont la capacité juridique et constitutionnelle de changer ou de protéger, de faire évoluer ou de garantir. Encore une fois, dans le but principal de protéger le faible et de tempérer le fort.
Si un vœu doit être formulé pour 2017, c’est tout simplement celui-ci : que cessent les remises en cause permanentes des "institutions qui font société". Qu’on arrête de dire n’importe quoi sur n’importe quelle situation. Que la grâce présidentielle n’est pas normale. Que l’article 49.3 n’est pas démocratique. Qu’on n’apprend rien à l’école. Que la police ne protège pas. Qu’on tombe malade à l’hôpital. Que tous les curés sont des pédophiles. Que tous les politiques sont des pourris. Tout simplement parce qu’un fait isolé aura été considéré comme un trait général, qu’un texte n’aura pas été remis dans son contexte. Tout simplement parce que l’exception aura pris valeur de règle. Et que du strict point de vue de la "mécanique médiatique" (clin d’œil à l’excellent Jean-Marc Four, directeur de la rédaction de France Inter) un "évêque qui mord un chien, c’est toujours plus un événement qu’un chien qui mord un évêque".
2/ Europe
Edouard Husson : 2017 est une année d'élections nationales en France comme en Allemagne. Les deux pays ne peuvent plus prétendre décider seuls du destin de l'Union européenne mais ils ont suffisamment de poids ensemble pour faire redémarrer le moteur européen dès qu'un nouveau président sera installé à l'Elysée en mai 2017.
Surgit immédiatement un obstacle. Londres aura officiellement demandé le Brexit avant la fin mars. Et Theresa May pourrait faire échouer d'emblée le redémarrage de l'Europe politique si elle n'avait pas un front uni en face d'elle. Depuis le referendum de l'été dernier, les dirigeants européens ont roulé les mécaniques, parcourant une gamme d'attitudes allant du mépris (le Royaume-Uni a tout à perdre, il négociera donc à nos conditons) au cynisme (jouons la montre, un gouvernement britannique finira bien par jouer le maintien dans l'UE).
En réalité, plus les mois passent, plus Theresa May consolide sa position. L'économie britannique, non seulement ne s'est pas effondrée après le "oui" populaire au Brexit, mais le gouvernement de Madame May fait le choix de la réindustrialisation du pays et d'un retour à l'investissement public dans l'éducation, dans les infrastructures. L'élection de Donald Trump fait entrevoir la perspective d'une nouvelle zone commerciale transatlantique pilotée par Washington et Londres et à laquelle l'Europe du Nord se rattachera naturellement, au risque de diviser un peu plus l'Union européenne. Enfin, cela fait un moment que Londres lorgne vers l'Eurasie, par-dessus la tête de l'Union européenne; il suffira d'un dégel entre Washington et Moscou pour que Londres affiche ouvertement sa nouvelle politique eurasiatique.
L'intérêt de l'Union européenne est donc de proposer à Londres, sans trop attendre, des négociations constructives. L'espoir que nous devons caresser est celui d'un rapprochement rapide entre Paris et Londres, dès l'installation d'un nouveau gouvernement français, Berlin rejoignant après l'installation d'un nouveau gouvernement - mais, quel que soit le prochain chancelier, la continuité prévaudra à Berlin. Il s'agit pour Paris et Berlin d'écarter les deux scénarios extrêmes, irréalistes: une rupture violente entre Londres et Bruxelles; ou bien une renonciation britannique au Brexit. Est-il possible d'imaginer un bon compromis entre l'Union européenne et le Royaume-Uni? L'Union européenne doit de toute façon revoir sa politique d'immigration; négocier avec Londres sur le sujet aidera à repenser l'espace Schengen. Pourquoi dépenser de l'énergie et perdre des ressources précieuses à tenter de créer dans l'Union européenne une place boursière rivale de Londres, ce dont ni Paris, ni Francfort n'ont les moyens, même ensemble, alors qu'il s'agit de renforcer un pôle européen boursier dont Londres restera le pivot, face à la nouvelle puissance financière asiatique? Pourquoi ne pas imaginer, dans un partenariat équilibré avec Londres, un accord commercial transatlantique qui permette aux Etats-Unis et à l'Europe, de se réindustrialiser ensemble et de peser face au projet chinois de "Nouvelle Route de la Soie"?
Soit Paris et Berlin s'entendent avec Londres en 2017, soit l'incapacité à sortir par le haut du Brexit conduira au renforcement des divisions au sein de l'Union européenne et à la paralysie d'un système toujours plus isolé dans l'économie mondiale - tandis que Londres tirerait, seule, son épingle du jeu.
Alors faisons le pari de l'intelligence politique retrouvée de Paris et Berlin, ensemble, pour retisser des liens avec Londres. Un "smart Brexit" est le meilleur espoir pour l'Union européenne en 2017.
3/ Economie
Jean-Paul Betbèze : 2017 s’ouvre sous le signe de l’incertitude, avec partout beaucoup d’interrogations politiques pour les mois à venir. C’est effectivement depuis les Etats-Unis, avec Donald Trump, que souffle un grand vent de changement. Les marchés s’interrogent sur ce qui va se passer partout, en Russie et en Chine, au Japon et à Taïwan, en Arabie et en Iran, en Allemagne et en France. Une liste qui n’est pas limitative. Evidemment, les marchés savent mieux comprendre l’économie que la politique. Ils calculent ainsi le soutien à la croissance que pourraient amener la politique fiscale et les grands travaux promis par Donald Trump. Mais ils sont perdus devant les incertitudes politiques majeures qui s’avancent.
C’est dans ce contexte que le plus grand espoir économique pour la France est qu’elle se réconcilie avec… l’économie ! La preuve en sera que le dialogue dit "social" dans l’entreprise se renforce, en devenant, aussi, économique. En effet, il ne pourra y avoir plus de croissance et d’emploi ici sans un regain de "nouvelle compétitivité". Il ne s’agit pas seulement de "modération salariale", mais d’une double répartition : celle des résultats, avec plus d’actionnaires salariés, celle des idées surtout, avec plus d’échanges pour comprendre les nouvelles demandes des clients, mieux suivre les concurrents et participer activement aux nouveaux réseaux sociaux, ferments de la révolution technologique en cours. L’entreprise qui réussit est une "great place to work". C’est elle qui innove, attire et garde les talents, noue des rapports étroits avec son territoire. On peut toujours penser qu’il s’agit là d’un rêve, sauf que l’image interne et externe de l’entreprise se rapprochent, sauf que la Bourse les regarde et plus encore les millenials.
Si tout se déroule au mieux au plan économique en 2017, c’est que, d’abord, tout s’est déroulé au mieux au plan social. Et pourquoi ne pas commencer par la France ?
4/ Géopolitique
Alexandre del Valle : Du point de vue géopolitique, le plus grand espoir à nourrir pour 2017, c'est celui d'une réconciliation russo-occidentale, apparemment improbable si l’on se réfère à l’actualité de la crise entre la Russie et l’administrationObama, mais plus probable que jamais dans la perspective de la révolution géopolitique annoncée par son successeur Donald Trump qui semble persister et signer dans le sens d’un vrai "RESET" avec Moscou et Poutine. Ce Reset est certes fortement contesté tant par les anti-Russes républicains (concentrés autour de Mc Cain) que par les démocrates interventionnistes qui ont notamment soutenu la très russophobe Hillary Clinton.
Pour autant, cette volonté est incarnée par Trump et son entourage, et je pense que les vieilles visions géostratégiques de la Guerre froide, fondées sur le containment de la Russie, sont désuètes et vivent leurs derniers instants, même si la Russie et les Etats-Unis auront toujours des intérêts pas forcément convergents; mais cela est le cas de tous les pays souverains.
Je crois que, peu importe les raisons, une réconciliation russo-occidentale serait fondamentalement une bonne nouvelle, ne serait-ce que parce que mieux vaut de loin avoir la Russie avec nous que de la voir se jeter dans les bras d’un Etat bien plus puissant et dangereux pour les Occidentaux dans le futur et pour elle-même qu’est la Chine, alliée majeure du Pakistan, l’Etat islamiste nucléaire le plus sismique et périlleux du monde en raison du fait qu’il est gangréné par l’extrémisme islamiste et parrain historique des Talibans, d’Al-Qaïda et des terroristes islamistes anti-Indiens du Cachemire et d'ailleurs….
Comme je le raconte et déplore dans mon dernier essai, Les vrais ennemis de l’Occident, du rejet de la Russie à l’islamisation des sociétés ouvertes (L’Artilleur), la Guerre froide, qui a été réactivée ces dernières années en Ukraine (en fait depuis la "première Révolution orange" en Ukraine et les autres révolutions de velours en ex-Union soviétique parrainées par les puissances atlantistes), sans oublier le chaos en Irak, en ex-Yougoslavie avant, puis en Libye et en Syrie ensuite, est très dangereuse. La tension Russie-États-Unis, voire la tension Russie-Otan, qui semble menacer la stabilité et la paix régionale a parfois frisé des débuts de guerre "tout court", comme certains ont voulu le faire croire notamment à la frontière des Pays baltes. Des généraux de l'Otan ont déjà souligné le risque de "Troisième guerre mondiale", et même de "guerre nucléaire"… Il est grand temps de revenir au pragmatisme géopolitique et d’abandonner le moralisme et l’interventionnisme manichéen propre à la dérive impériale de l’Occident, qui s’est à tort considéré "vainqueur" de la Guerre froide face à une Russie en recomposition, et qui a multiplié les folies géopolitiques depuis les années 1990. Je pense que cette ère d’unilatéralisme et d’interventionnisme est terminée, et son glas a sonné avec l’intervention russe en Syrie qui donne le ton et a mis fin à une dérive néo-impériale occidentale devenue anachronique et belligène dans le contexte de l’apparition d’un monde multipolaire.
La situation mondiale est certes très sismique au regard de l’actualité, des rivalités entre l’Inde et le Pakistan, la Chine et les Etats-Unis, la Chine et des Etats de l’Est asiatique (Japon, Vietnam, Taïwan, Corée du Sud, etc) qui se sentent menacés, sans oublier la nouvelle Guerre froide Etats-Unis/Otan versus Russie. Mais en dépit de toutes les critiques que l'on peut adresser au populiste Donald Trump, adepte des provocations verbales, sa volonté affichée d'un pragmatisme géopolitique non-idéologique et non moraliste, qui se traduit notamment par une réelle volonté de rapprochement avec la Russie, constitue la meilleure nouvelle géopolitique pour les Occidentaux. Nous devons être unis contre l'ennemi radical qu'est l'islamisme terroriste. Nous avons aussi tout intérêt à opérer avec la Russie sur les questions énergétiques. Le monde actuel en voie de multipolarisation a besoin d’adeptes de la realpolitik et non plus de moralistes-interventionnistes adeptes d’utopies dangereuses mondialistes dont les belles intentions affichées n’ont d’égal que le bellicisme des résultats.
Plus proche de chez nous, en France, le grand espoir est un retour en force de la diplomatie gaulliste. Concrètement, c'est la grandeur de la France, la souveraineté, le respect de l'indépendance des autres nations qui sont réclamés comme cela est traduit notamment dans le vote des électeurs et des sondés qui réclament un retour dela Nation et de l’Etat face au cosmopolitiquement correct et à l’impérialisme anti-identitaire McWorld. La diplomatie gaulliste ou plutôt gaullienne, c'est tenter de trouver des solutions politiques raisonnables fondées sur ce respect des souverainetés, et le réalisme plutôt que sur le moralisme ou les interventions militaires. Un partisan d'une diplomatie gaullienne serait probablement favorable à un rapprochement avec Moscou et envisagerait certainement de réhabiliter le leadership de la France dans l'Union européenne, leadership qui passe par une refonte de l’Europe qui doit impérativement redevenir une Union d’Etats souverains comme le voulaient De Gaulle et les pères de l’Union européenne au lieu de continuer à s’élargir sans fin et de devenir un empire normatif impuissant qui n’est en fait qu’un sous-ensemble de l’Empire américain puisque cette Europe est patronnée-sécurisée par l’Otan, une structure qui dépend d’un acteur impérial tiers….
Là aussi, la volonté de Trump de "responsabiliser" ses partenaires asiatiques et européens et de se désengager en leur demandant de plus contribuer à leur propre effort de défense doit être compris comme une formidable opportunité de bâtir à nouveau l’Europe des Nations avec pour colonne vertébrale l’axe Paris-Berlin-Moscou, lui même permis par le Brexit, ainsi que l’on dit des observateurs gaullistes avisés comme Dominique de Villepin ou Hubert Védrine.
Nous avons grand besoin d'un personnage partisan de la grandeur de la France, en mesure de remettre au goût du jour cet héritage de De Gaulle en matière de géopolitique. François Fillon n’est peut être pas le seul, mais il semble du moins s'ancrer tout à fait dans