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L'Occident et ses ennemis véritables, sortir du manichéisme et du "cosmopolitiquement corre

Alors que le monde évolue à vitesse grand V et que la situation géopolitique globale est aujourd'hui très instable, il paraît primordial de se poser plusieurs questions parmi lesquelles la plus importante de toutes : qui est notre ennemi ?


Depuis les attentats du Bataclan et de Bruxelles revendiqués par Daesh ­ dans un contexte de retour géopolitique spectaculaire de la Russie au Moyen-­Orient et de dérive néo-­ottomane de la Turquie, ­ nombreuses sont les voix occidentales qui ont commencé à dénoncer l'aveuglement obsessionnellement anti­-russe des pays de l'OTAN, encore formatés par des visions héritées de la Guerre froide, et qui ont posé enfin la question de la définition de l'ennemi principal. Cet ennemi est­-il celui qui n'agit pas conformément aux droits de l'Homme, qui "violerait" le droit international, qui "défierait les valeurs" des démocraties occidentales et leur universalisme, ou simplement celui qui constitue une menace concrète, immédiate et qui s'en prend à nous directement en menaçant notre existence même et notre identité ?


Concept central de stratégie, la notion d'ennemi ­ et son corollaire antinomique d'ami ­ est à la base même de la nature de la politique en tant que phénomène du pouvoir (Carl Schmitt). Certes, on peut aimer ou vouloir désigner l'ennemi de façon purement idéologique comme le "salaud" anti-communiste vomi par Sartre, le "facho" des bien­-pensants actuels qui nazifient jusqu'aux résistants patriotes, aux juifs "islamophobes" et "sionistes" ou aux hommes politiques de gauche les plus "sécuritaires" (Valls), ou encore l'épouvantail d'une Russie poutinienne nationaliste" qui "défierait" l'Occident en prônant la Realpolitik et en soutenant des régimes comme celui de Bachar el­-Assad. Pourtant, le vrai ennemi n'est pas l'adversaire idéologique ou celui qui ne pense pas comme nous. C'est simplement celui qui s'attaque concrètement et violemment à nous, comme le font les terroristes islamistes, qui menace notre existence même, ou qui s'emploie à nous conquérir, par tous moyens, y compris subversifs, comme le font les organisations et pays islamistes plus "fréquentables" désireux d'étendre le règne de la charia à toute l'humanité, programme des Frères musulmans et des pays "alliés" comme la Turquie d'Erdogan ou les monarchies du Golfe marraines du salafisme qui ne cachent pas qu'ils rêvent d'islamiser Rome et "récupérer l'Espagne"...

C'est donc souvent l'ennemi qui nous choisit, car parfois, il nous menace alors même qu'on ne le considère pas comme ennemi en raison d'une asymétrie de perception. Par exemple, nombre de pacifiques "bobos" du 11ème arrondissement qui se disaient pro­-palestiniens et anti-racistes ne pensaient pas que des Arabes musulmans s'en prendraient un jour à eux sans mobile alors qu'ils ne détestent personne. L'ennemi n'est donc pas celui qui diffère, celui qui nous répugne, celui qui se comporte mal avec d'autres ou les siens, ou simplement qui ne souscrit pas à nos postulats idéologiques (Russie de Poutine, Irak de Saddam Hussein, Syrie de Bachar ael-Assad, etc.) mais il est avant tout celui qui menace nos institutions, notre intégrité territoriale, notre population et nos intérêts sur notre propre sol. L'ennemi n'est donc pas celui qui n'a pas les mêmes valeurs (universalistes­ occidentalistes, libérales et démocratiques) ou les mêmes intérêts que nous, mais celui qui les menacent et les met en péril de façon concrète.


Ainsi, quoi que l'on pense de Slobodan Milosevic, de Saddam Hussein, de Bachar el­-Assad, de Mouammar Kadhafi, de Laurent Gbagbo, de Hosni Moubarak ou de Zineddine Benali, ces dirigeants, bien qu'étant tous peu ou pas démocrates, voire tyranniques, n'avaient pas déclaré la guerre à nos sociétés, n'étaient pas (ou plus, en ce qui concerne la Libye et la Syrie) nos ennemis tout simplement parce qu'ils ne s'en prenaient pas à nos populations, à nos intérêts concrets et même à nos valeurs chez nous. Tous ces pays ont même collaboré avec nos services de sécurité en matière de lutte contre le terrorisme islamiste et l'immigration illégale. Mais nous nous sommes comportés en véritables ennemis de ces pays, de même que les démocraties occidentales se sont comportées en ennemis de la Russie et des régimes pro-­russes d'Europe orientale lorsque des institutions internationales (OTAN, Union européenne) des services secrets, des ONG occidentales (Open Society de Georges Soros, etc), et des gouvernements occidentaux (Etats-­Unis, Grande-Bretagne, France, etc.) ont préparé, soutenu et financé des forces politiques anti­-russes et pro-occidentales dans des zones d'intérêt stratégiques de la Russie post­-soviétique (Géorgie, Ukraine, Serbie, Bulgarie, etc.), invitées instamment à adhérer à l'OTAN et ou à l'Union européenne, et même en Russie (forces pro­occidentales anti­-Poutine) afin de renverser des régimes en place qui ne partageaient nos visions manichéennes héritées de la Guerre froide, mais qui ne nous menaçaient pas.

Si nous revenons au grand esprit et au visionnaire qu'était Karl Popper, auteur du mémorable essai La société ouverte et ses ennemis, trop souvent invoqué par les partisans d'un nouveau containment contre la Russie et qui ont allègrement applaudi à la chute de Kadhafi, Moubarak et Benali lors du Printemps arabe (vite devenu un hiver islamiste), le philosophe autrichien n'a jamais affirmé que les ennemis de nos sociétés ouvertes étaient tous les régimes non démocratico­-pluralistes ou qu'il fallait exporter­-imposer notre vision du monde à ceux qui ne la partagent pas, ­ que ce soit par des révolutions colorées ou des interventions militaires plus musclées. Il a simplement dit que la société ouverte doit être avant tout défendue chez elle, là où elle prospère car elle peut y être mise en danger si elle s'ouvre à ceux qui profitent de sa tolérance pour la conquérir de l'intérieur et retournant contre elle ses valeurs d'ouverture.


L'Occident : ennemi des régimes musulmans sécularistes et allié des forces islamistes....

Si l'on veut répondre à la question de savoir qui sont les amis et les ennemis de l'Occident, il apparaît clairement que la plus grande menace pour les Occidentaux adeptes de la culture "McWorld" (Benjamin Barber) consiste à ne pas vouloir désigner un ennemi identitaire par auto- aveuglement universaliste et anti-­nationaliste. Cette auto-désinformation ou désorientation identitaire et géopolitique a conduit l'Occident, depuis des décennies, à semer sa propre perte en luttant contre ses amis potentiels comme la Russie et les pays arabes anti-­islamistes et en soutenant toutes les forces islamistes radicales sunnites. C'est en effet un fait incontestable que les Etats occidentaux (c'est­-à-­dire membres ou alliés de l'Alliance atlantique) ont objectivement encouragé et favorisé l'émergence des puissances et organisations islamistes, pendant la Guerre froide et jusqu'à aujourd'hui, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de leurs sociétés ouvertes, tandis qu'ils ont affaibli, combattu et même renversé des régimes musulmans en guerre contre l'islamisme radical.


En termes clairs, le problème majeur de l'Occident, désorienté d'un point de vue identitaire par son utopie universaliste et son matérialisme marchand, réside dans le fait qu'il n'est plus capable de définir son ennemi et de choisir ses amis d'un point de vue "géo­civilisationnel" et géostratégique. Ce refus de tenir compte des influences et considérations culturelles historiques et religieuses, ce pari orgueilleux et arrogant de faire comme si les antagonismes religieux et culturels n'existaient pas, comme si les rivalités ou différences entre cultures n'étaient que l'invention des différentialistes, des "racistes" et des lecteurs de Samuel Huntington, l'ont jeté dans les bras des principaux pôles du totalitarisme islamiste sunnite, que sont :

1) Le Pakistan parrain des Talibans, dont la bombe atomique n'a jamais été empêchée par l'Occident, contrairement à l'iranienne chiite


2) La Turquie post­-kémaliste et néo-­ottomane rivale de Daesh pour le rétablissement du Califat

3) L'Arabie saoudite co­-fondatrice avec le Pakistan et les Frères musulmans d'Al­-Qaïda

4) Le Qatar, qui achète et finance l'islamisme mondial

5) Le Koweït, premier contributeur des groupes djihadistes salafistes

6) Les Frères musulmans, pionniers du totalitarisme islamiste

On pourrait ajouter à ce palmarès le lâchage du Shah d'Iran au profit de l'Ayatollah Khomeiny, le renversement de Saddam Hussein et de Kadhafi au profit des pires djihadistes d'Al­-Qaïda ou de Daesh, la tentative de déstabiliser le régime de Bachar el­-Assad au profit des Frères musulmans et des salafistes djihadistes, l'abandon des Kémalistes turcs au profit du néo-­sultan Erdogan, le largage de la Tunisie anti­islamiste de Ben Ali au profit des islamistes d'Ennahdha après la révolution de jasmin, etc. Ce que dénonce l'auteur de ces lignes est si évident qu'il ne s'agit point d'une opinion radicale mais d'un fait incontestable, personne ne pouvant nier que les pays régimes islamistes pré-cités sont les parrains ou les pôles de conception et de diffusion de l'idéologie totalitaire islamiste et même les financiers de nombreux groupes islamistes et terroristes qui ont pour programme de :

­1) Renverser et éliminer tous les régimes musulmans laïques jugés "apostats"

2) Conquérir les sociétés non ­musulmanes puis soumettre à terme l'ensemble de l'humanité

Or, ce type de programme de conquête des territoires et populations d'autrui et de lutte contre ses valeurs est l'exacte description de ce qu'est un ennemi : celui qui veut votre perte, s'y prépare et s'en donne les moyens en vous attaquant à la fois par la violence et par la guerre psychologique ou la subversion de vos valeurs.


L'aveuglement géopolitique et stratégique de l'Occident

Pendant que les salafistes "quiétistes" ou autres islamistes Frères ­musulmans verbalement "opposés au terrorisme" instruisent les consciences de jeunes désoeuvrés des "banlieues de l'islam" à la culture du ressentiment anti­-occidental et du fanatisme théocratique, nos dirigeants aveuglés par des représentations géopolitiques désuètes héritées de la Guerre froide considèrent toujours la Russie et ses alliés comme l'ennemi principal des démocraties occidentales et le tandem Etats-­Unis­/Union européenne continue d'étendre son empire atlantiste vers l'Est, ce qui perpétue la fracture Russie­/Occident et empêche de mettre en place une vraie coopération "panoccidentale" incluant la Russie et les rares Etats musulmans sécularisés face à l'ennemi commun déclaré qu'est le totalitarisme islamiste conquérant lancé à l'assaut du monde "non­ soumis".


Les nouveaux va­-t'en-guerre occidentalistes comme les ONG anglosaxonnes se réclamant du "droit d'ingérence" ont réussi à déstabiliser l'Ukraine, la Géorgie, l'ex­-Yougoslavie, bon nombre de régimes arabes qui étaient des alliés de l'Occident face à l'islamisme et au terrorisme, mais ils ne désignent pas comme ennemi principal l'ennemi totalitaire "asymétrique", plus "exotique", qu'est le communautarisme islamiste qui avance tranquillement dans nos démocraties et parvient à faire accepter, par "étapes", ses doléances obscurantistes et théocratiques sous couvert de "droit à la différence", de "liberté de religion" ou simplement pour échapper au "racisme" et à l'islamophie" supposée congénitale des Occidentaux croisés et ex-colonisateurs qui devraient ainsi expier leurs fautes passées... Cet ennemi transversal, polymorphe ­ oppresseur dans les pays-phares qui le financent mais victimiste "oppressé" dans nos démocraties culpabilisables et psychologiquement vulnérables ­ agit à la barbe des autorités dans des ghettos volontaires qui échappent presque totalement aux institutions légales des Etats d'accueil, ceci avec l'aide de pays islamistes ("pôles" du totalitarisme islamistes) qui ne cachent même pas leur réel projet de conquête théocratique et leur irrédentisme néo­-califal.

De ce fait, lorsque les adeptes des théories de Georges Soros et sa fondation Open Society soutiennent partout, y compris dans des pays souverains et démocratiques, des rebellions libertaires anti-­étatiques, des protestations anarchisantes visant à discréditer les pouvoirs en place et les forces de l'ordre, ainsi que des mouvements anti­-nationaux hostiles par principe à l'idée de frontières, à tout contrôle des flux migratoires et à toute forme de patriotisme et de défense de l'identité autochtone, assimilés au "fascisme et au racisme", ils oublient que Karl Popper avait posé des conditions très nettes à l'ouverture. En effet, Popper avait très clairement précisé que la tolérance ne pouvait être à sens unique, et que l'ouverture devait être réservée à ceux qui partagent les valeurs tolérantes de ces sociétés, faute de quoi c'étaient la tolérance et les sociétés ouvertes­ pluralistes qui couraient à leur perte. Par ailleurs, Popper n'a jamais incité à délégitimer l'idée même d'autorité et d'Etat détenteur du "monopole légitime de la violence" pour paraphraser Max Weber. Il n'a jamais non plus appelé à renverser des régimes non­démocratiques par la violence et par la subversion comme on l'a fait en Irak, en Libye, en Egypte, en Tunisie, en Géorgie ou en Ukraine avec les résultats que l'on sait.


Nous pensons avec lui que la société ouverte doit prioritairement s'occuper de se préserver elle-même avant de donner des leçons de morale chez les autres nations. Il n'a jamais dit non plus que le multiculturalisme était bon par nature ni confondu ce terme avec la notion bien différente de pluralisme. Enfin, nous observons en conclusion que si l'Occident avait investi dans la promotion d'un "patriotisme intégrateur" et dans la promotion de ses propre valeurs et de son identité le dixième de ce qu'il a investi et gâché dans des révolutions de couleurs anti-russes et les guerres contre-productives et Irak ou ailleurs, il aurait plus fait pour défendre sa survie. Nos sociétés feraient bien de relire Samuel Huntington au lieu de le caricaturer, car le professeur d'Harvard conclut son livre en prônant la défense de l'identité européenne et occidentale, au lieu de la culture de la haine de soi politiquement correcte, et il invite à abandonner interventionnisme guerrier et toute arrogance.


http://www.atlantico.fr/rdv/geopolitico-scanner/occident-et-ennemis-veritables-sortir-manicheisme-et-cosmopolitiquement-correct-alexandre-del-valle-2712493.html/page/0/2

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