Vérités et contre-vérités sur le conflit Israël-Gaza... Entretien avec Pierre Rehov
Alors qu'un cessez-le-feu vient d'être signé entre Israël et le Hamas de Gaza, Pierre Rehov, un des meilleurs connaisseurs du jihadisme, revient sur l'incroyable désinformation qui entoure depuis des décennies un conflit improprement appelé israélo-palestinien. Il déplore la prise en otage de la cause palestinienne par le jihadisme des organisations terroristes gazaouites financés par le Qatar et la république islamique iranienne. C'est d'ailleurs cet appui iranien qui a motivé de nombreux pays arabes sunnites à se rapprocher de plus en plus de Jérusalem pour contrer l'ennemi commun iranien-khomeiniste et son bras armé extérieur le Hezbollah...

Pierre Rehov, Reporter franco-israélien, réalisateur de documentaires dédiés au Proche et Moyen-Orient, est un fin connaisseur du conflit israélo-palestinien, certes "engagé", mais dont les observations sont toutes étayées par des reportages de terrain, des enquêtes, et des investigations. Chroniqueur dans la presse française, israélienne et américaine et auteur de nombreux ouvrages, Rehov s'est particulièrement penché depuis plus de vingt ans sur les fondements du terrorisme islamiste, tant sunnite, que chiite, et en particulier sur le jihadisme, dont le Hamas et le Jihad islamique palestiniens, sont une des matrices. Il s’agit également des premiers mouvements non-chiites à avoir généralisé le modus operandi des attentats-suicides hérités de l'islamisme chiite iranien khomeyniste et du Hezbollah. Depuis 30 ans, Rehov explore le Moyen-Orient, de l'Irak à Gaza, où il s'en rendu à de nombreuses reprises, au péril de sa vie, pour enquêter et interviewer des candidats au jihad et des responsables islamistes. Depuis Tel Aviv, il voit se dérouler au-dessus du toit de sa maison la guerre asymétrique et terroriste livrée par le Hamas dont 90% des roquettes tirées sur les populations civiles israéliennes sont interceptées en vol et détruites par le système anti-missile israélien ultra-performant Dome de fer. Précisons que 7 % de ces roquettes, entièrement financé par l'Iran, est retombées sur Gaza, faisant nombre de dégâts et de morts de civils palestiniens, ce dont la presse ne parle pas.
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Pierre Rehov : Il faut différencier l’enchainement des faits et les causes. En ce qui concerne l’enchaînement des faits, tout a commencé par les agressions répétées contre des Juifs par des Palestiniens dans les transports publics de Jérusalem. Les scènes d’attaques étaient ensuite fièrement diffusées sur les réseaux sociaux, comme des victoires individuelles et c’était en train de devenir une mode à laquelle le gouvernement israélien a mis fin par des arrestations. Il y a eu ensuite l’affaire des évictions de Sheikh Jarrah, une banlieue de Jérusalem est. Il est essentiel de connaître le contexte de cette éviction, car cela a été trop souvent occulté par les médias. Jusqu’en 1948, des familles juives habitaient dans ces immeubles. Ils en ont été chassés par les Jordaniens qui, à l’issue de la guerre d’indépendance d’Israël, ont occupé la Judée-Samarie, renommée « Cisjordanie » ainsi qu’une partie de Jérusalem. Ces mêmes familles juives ont passé sept décennies à tenter d’obtenir justice, c’est à dire la restitution de leurs biens, occupés par des Arabes qui ont toujours refusé de leur payer un loyer. La justice israélienne a fini par trancher en leur faveur, sur présentation des documents prouvant leur propriété. Cette décision est tombée à un mauvais moment car en plein ramadan, et l’on sait en Israël que le ramadan donne toujours lieu à des actes terroristes et des débordements. Au même moment, l’Autorité Palestinienne qui ne manque jamais une occasion de mettre de l’huile sur le feu d’un conflit qu’elle ne veut pas voir s’éteindre tant elle en tire profit, a de nouveau protesté contre les excursions de Juifs sur le Mont du Temple. L’emplacement du Temple de Salomon et d’Hérode est le lieu le plus saint du Judaïsme sur lequel les Musulmans ont ( comme ils le font systématiquement – se souvenir de Saint Sophie à Istanbul ) construit plusieurs mosquées pour bien montrer la supériorité de leur religion sur les autres. J’en profite pour m’insurger contre cette forme de racisme religieux flagrante mais tolérée, qui consiste à interdire les lieux de cultes musulmans aux non musulmans. Peut-on imaginer les touristes se voir interdire de visite au Vatican s’ils ne portent pas une croix autour du cou ?
Ces incidents se sont déroulés autour de la « Journée de Jérusalem », une date importante en Israël car elle célèbre la reconquête de la ville sainte et sa réunification. Dans ce contexte, Israël a fait deux efforts majeurs. Le gouvernement a demandé un report de l’exécution de l’ordre de justice visant à expulser les squatters arabes de ces habitations juives et détourné la parade de la « Journée de Jérusalem » des quartiers arabes afin d’éviter les heurts. Mais c’était sans compter sur la volonté du Hamas de s’imposer comme le « libérateur » de Jérusalem. L’organisation terroriste a envoyé une salve de roquettes et de missiles sur Jérusalem, déclenchant des représailles israéliennes d’une envergure à laquelle elle ne s’attendait pas.
Il y a maintenant les causes. Elles sont de trois ordres. Pour rester juste, la situation politique délétère depuis deux ans en Israël, qui a connu trois élections sans qu’une victoire politique soit définie ni une coalition solide mise en place, a laissé supposer aux Palestiniens qu’Israël était en état de faiblesse et qu’il était temps de remettre leur cause sur le devant de la scène internationale après que l’actualité mondiale les ait relégués au dernier plan. Le retour à la politique d’Obama, après la victoire contestée de Joe Biden a également permis à l’Autorité Palestinienne de retourner à sa routine de double langage, affirmant d’un côté vouloir la paix et de l’autre refusant toute négociation avec Israël tout en continuant à financer le terrorisme à hauteur de 17% de son budget.
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Le président Trump leur avait coupé les vivres tant qu’ils ne renonceraient pas de façon claire au terrorisme. L’aile ultragauche du parti démocrate aura convaincu Biden que l’argent envoyé aux Palestiniens, qui sert à enrichir leurs leaders et à financer les attaques contre Israël, atténuait la misère du peuple et contribuait de la sorte à la paix. C’est d’une hypocrisie et d’une maladresse politique sans nom.
Enfin, et non des moindres, Mahmud Abbas, élu pour 4 ans président de l’entité palestinienne et toujours au pouvoir depuis 15 ans, avait promis des élections qu’il repousse depuis toujours. Dès que les sondages l’ont convaincu qu’il ne serait sans doute pas réélu, il a annulé ces élections mis le tort sur Israël qui n’autorise pas les habitants de Jérusalem Est, détenteurs de cartes d’identité israéliennes, à voter dans les territoires disputés.
Quant au Hamas, ainsi que je l’ai indiqué plus haut, leur rivalité avec Abbas les pousse régulièrement à vouloir s’affirmer comme les défenseurs de la cause palestinienne. Rien ne plait davantage à un Arabe de Palestine que de voir des pluies de roquettes s’abattre sur les civils israéliens, même si celles-ci provoquent des victimes dans leurs rangs. Voilà pour les causes profondes dans une région baril de poudre que la moindre étincelle peut faire exploser.
ADV : Est-ce vrai que l’autorité palestinienne n’est pas du tout solidaire du Hamas et qu’elle coopère avec l’état israélien ?
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PR : Par définition l’Autorité Palestinienne vit dans la zone grise du double langage et des alliances tactiques. Les Accords d’Oslo ont entraîné pour elle certaines contraintes, qu’elle est loin de respecter, comme par exemple l’interdiction d’attaquer Israël devant la cour pénale internationale, mais d’autres, dans le domaine sécuritaire, qui sont étroitement surveillées par la communauté internationale. De ce fait, afin de continuer à recevoir les subsides qui vont permettre à ses membres de s’enrichir davantage sur le dos d’un peuple qu’elle exploite allégrement, l’AP coopère avec les services de sécurité israéliens pour déjouer les tentatives d’attentats majeurs. Ce qui n’empêche pas Abbas de continuer à verser des salaires aux terroristes emprisonnés en Israël et à leurs familles. Plus ils ont tué de Juifs, plus le salaire est important. C’est un fait facilement vérifiable.
Concernant le Hamas, c’est un parti islamiste émanant des Frères Musulmans qui rejette officiellement le droit à l’existence d’Israël et vise non seulement sa disparition mais également l’extermination du peuple Juif, et de ce fait un allié à maintenir à distance par rapport à l’opinion mondiale. C’est aussi un rival politique de poids qui a réussi à s’emparer de Gaza et pourrait bien faire de même en Judée Samarie, et donc un danger réel pour Abbas. Lorsque le Hamas a conclu son coup à Gaza après y avoir remporté les élections, les terroristes ont littéralement massacrés les représentant de l’Autorité Palestinienne, émanant du Fatah et de l’OLP, ce qu’Abbas n’est pas près de leur pardonner.
Mais dans le fond, loin des discours en anglais, les deux visent la même chose à des degrés différents. Tandis que le Hamas rêve d’une guerre qui enflammerait la région et aboutirait à l’éradication d’Israël par le feu et par l’épée, Abbas se contenterait d’un bouleversement démographique qui renverrait les Juifs à leur statut de Dhimmis dans une Palestine s’étendant de la rivière Jourdain jusqu’à la mer Méditerranée. Aucune des deux organisations, malgré les effets de manche d’un Abbas acculé, n’est prête à reconnaître le droit à Israël d’exister en tant qu’état juif.
L’ultime astuce pour l’Autorité Palestinienne c’est de réclamer systématiquement le « retour » des descendants de descendants d’Arabes qui ont fui la zone de guerre en 1948 à l’intérieur d’Israël tandis que seraient expulsés tous les Juifs vivant dans les territoires disputés, ceux que les médias français appellent « les colons » et qui sont au nombre de 500.000. Petit aparté : tandis que le monde occidental s’attendrit sur le sort des Arabes de Judée Samarie et de Gaza, devenus « peuple palestinien » en 1964 à l’initiative du KGB de Nasser et d’Arafat, aucune compensation n’a jamais été prévue, ni aucune aide apportée, au 890.000 Juifs chassés des pays arabo-musulmans entre 1948 et 1974 dont les 2/3 ont refait leur vie en Israël.
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ADV : Vous dénoncez souvent la désinformation à l’œuvre en occident relativement à Israël. Pouvez-vous donner des exemples sur le dernier conflit ?
PR : Le premier exemple, je pense l’avoir démonté en répondant à votre première question. Selon les médias occidentaux, des familles palestiniennes seraient chassées de leur domicile à Sheikh Jarrah par des colons israéliens. La réalité est toute autre puisqu’il s’agit de l’éviction de squatters qui, s’ils vivent dans ces logements depuis 70 ans, n’en sont pas pour autant légalement propriétaires.
Le fait que les médias mettent sur le même plan, dans leurs rapports, l’organisation terroriste Hamas et la démocratie israélienne est en soit vicié. Pourrait-on imaginer un média français se référant aux données de Daesh lorsqu’elles contredisent celles de la coalition internationale regroupée pour annihiler le Califat ? C’est pourtant ce qui se passe avec le Hamas, et j’attends encore qu’un média titre sur le nombre de roquettes défectueuses visant la population civile israélienne qui retombent à l’intérieur même de Gaza, faisant des victimes parmi des Arabes innocents, souvent des femmes et des enfants. Nous savons que 7% de leurs missiles tombent dans la Bande, ce qui représente près de 500 bombes dont les habitants de Gaza sont victimes, tandis que l’armée israélienne de son côté a mis en place des procédures uniques au monde pour protéger les civils.
Il suffit de regarder les chiffres : après des milliers de raids aériens le nombre de victimes arabes serait de moins de 200, dont plus d’une centaine de soldats du Hamas et de la Jihad Islamique. D’après le colonel Kemp, ancien responsable des forces britanniques en Afghanistan et expert sur le Proche Orient, aucun autre pays n’a jamais pris autant de précautions pendant une guerre, et n’importe quelle autre armée aurait fait plus de 2000 morts dont les trois quarts de civils.
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Le problème avec les médias est à plusieurs niveaux. Tout d’abord, je le sais par expérience, il est interdit à un média occidental de couvrir le conflit depuis les zones palestiniennes s’il n’adopte pas à cent pour cent leur narration. Vous êtes journaliste, reporter, et couvrir ce conflit est votre gagne-pain. Vous faites quoi ? Soit vous restez à l’abri de la démocratie israélienne et vous envoyez des équipes de Palestiniens travailler à votre place, soit vous êtes correspondant depuis la zone de guerre et devez diffuser la narration du Hamas et l’Autorité Palestinienne sous peine de perdre vos autorisations, voire d’être ba