Moldavie : un référendum sur fond de guerre froide Russie-Occident
Le 20 octobre, la Moldavie a organisé une élection présidentielle et un référendum sur l'adhésion à l'UE.
Le 20 octobre, la Moldavie a organisé une élection présidentielle et un référendum sur l'adhésion à l'UE. Lors des premiers dépouillements dans la nuit du dimanche 20 au lundi 21 octobre, donc avant le rebondissement de la matinée du 21 octobre, la présidente sortante moldave, Maia Sandu, 52 ans, était arrivée en tête du premier tour des élections avec plus de 35 % des voix selon la Commission électorale. Lundi matin, elle est passée à 42 % contre 26 % pour son principal adversaire, Alexandr Stoianoglo, lorsque le pourcentage des scrutins dépouillés est passé de 89 à 96 % des votes. Les dépouillements des voix de la capitale - plus favorables à l'UE et à Sandu - semblant avoir fait subitement la différence. Quant au référendum très attendu sur l’inscription dans la Constitution moldave de l'adhésion à l’UE, le « non » recueillait 56% des suffrages contre 44% pour le « oui » dans la nuit jusqu’au matin 8h30, lorsque le « oui» l’a finalement emporté à la dernière minute pour atteindre 50,30 %.
Comme dans une course hippique aux rebondissements ultimes, les votes en faveur du oui au référendum ont donc surpassé in extremis vers 9h00 du matin, le non qui devançait pourtant de plus de 10% le oui à peine deux heures plus tôt. Beaucoup d’observateurs moldaves et internationaux, pas seulement pro-russes d’ailleurs, sont de ce fait réservés sur la régularité des dépouillements et même des votes dans la capitale sous contrôle présidentiel plus direct que la province, certains allant jusqu’à suspecter le camp Sandu, qui, juste après avoir dénoncé au début de la matinée l'ingérence russe, a vu ses scores subitement augmenter de façon exponentielle… Lorsque l’on connaît le degré de corruption de la Moldavie, qui, comme en Ukraine, touche autant les « pro-occidentaux » que les « pro-russes », on est en droit de se demander si les interférences électorales, lobbyismes, achats de voix et autres bourrages d'urnes viennent d'un seul côté. A cet égard, le rejet par les autorités moldaves de nombreuses associations et personnes physiques pour l'observation des élections a suscité la polémique en Moldavie sans que, curieusement, cela ne soit relayé dans la presse occidentale. Toujours est-il que la présidente moldave devra affronter au second tour, le 3 novembre prochain, Alexandr Stoianoglo, soutenu par les socialistes philorusses, ex-procureur de 57 ans qui a réalisé un bien meilleur score que prévu avec près de 30% des suffrages.
Le poids des Moldaves de l’étranger
D’après les derniers résultats du 21 octobre au matin, lorsque 99 des votes ont été dépouillés, la presse internationale et moldave officielle a martelé que la différence viendrait du vote des Moldaves de la diaspora. Pourtant, ceux-ci ce sont très peu mobilisés et bien moins que leur contrepartie de la diaspora russe. Pour faciliter le vote des Moldaves à l'étranger, la Commission électorale centrale (CEC) de Moldavie a en effet créé 229 bureaux de vote dans le monde, en grande majorité en Occident. Cependant, les rapports issus des consulats des pays européens où vivent de nombreux moldaves, indiquent une participation étonnement faible. Dans des pays comme l’Espagne, le Royaume-Uni et l’Allemagne, par exemple, où vivent de très nombreux moldaves, les bureaux de vote sont en effet restés largement vides. Cela suggère un manque d’enthousiasme au sein de la diaspora moldave en Europe à la fois pour la course présidentielle et pour les changements constitutionnels nécessaires à l’adhésion à l’UE.
Les raisons de cette apathie résident peut-être dans la profonde désillusion que ressentent de nombreux Moldaves face à la stagnation du pays au cours des quatre dernières années, car en dépit de la bonne réputation de la présidente Maia Sandu en Occident et de sa volonté de s’aligner sur les valeurs libérales promues par l’UE, la situation de pauvreté extrême des citoyens moldaves s’est aggravée depuis des années d’occidentalisation. Le gouvernement actuel a eu en effet du mal à améliorer les conditions économiques et sociales de la Moldavie et des Moldaves. Ceci a ainsi conduit à ce que nombre d’émigrés en Europe sont restés concentrés sur leurs défis personnels, comme l’adaptation à leur nouvel environnement et la nécessité de subvenir aux besoins immédiats de leurs familles, sans illusion sur leur pays d’origine. Pour ces individus, qui travaillent souvent dans le bâtiment, les emplois de maisons, les métiers manuels et l’artisanat, la perspective d’un changement politique en Moldavie semble lointaine et leur participation aux élections futile.
En revanche, la situation des électeurs moldaves appelés aux urnes dans les consulats en Russie, a été sensiblement différente.
Les Moldaves y ont en effet fait preuve d’un haut niveau d’engagement civique, ceci malgré d’importants défis logistiques. Avec seulement deux bureaux de vote disponibles pour près de 500 000 citoyens moldaves en Russie, les électeurs ont dû faire face à de longues files d'attente et ils ont souvent parcouru de grandes distances pour voter. Malgré ces obstacles imputables aux choix des autorités moldaves, beaucoup étaient déterminés à participer, soulignant de la sorte leur lien fort avec la Moldavie et leur désir d’influencer l’avenir du pays. La CEC a justifié le nombre limité de bureaux de vote en Russie en invoquant des « problèmes de sécurité », mais les critiques soutiennent que cette décision, survenue dans un contexte de fortes tensions entre la présidence moldave et le Kremlin, n'a fait qu'imposer des charges inutiles aux électeurs, ce qui friserait l’obstruction sachant que nombre de Moldaves de Russie sont défavorables à Mme Sandu ou plutôt hostiles à l’adhésion de leur pays à l’UE. Malgré ces défis, la CEC a annoncé que le taux de participation électorale a dépassé 33 %, le minimum requis pour que l'élection soit valide. Cependant, il est peu probable que le faible taux de participation dans une grande partie de l’Europe retienne l’attention des rapports officiels.
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