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La stratégie de l’engrenage : infiltration islamiste et dénonciation de l’islamophobie

La pénétration des organisations islamistes en France et en Occident progresse au sein des administrations, des syndicats, des milieux éducatifs, dans les milieux des entreprises et des affaires.



Cette semaine, Alexandre del Valle revient sur la stratégie de pénétration et d'infiltration des organisations islamistes en France et en Occident. Cette stratégie, au départ élaborée par les Frères musulmans, s'observe depuis des années, tant dans les administrations, les syndicats, les milieux éducatifs que dans les milieux des entreprises et des affaires. Retour sur un sujet de société que l'auteur aborde dans un ouvrage qu'il vient de faire paraître, sous la direction de l'économiste Leslie Shaw, L'islamisme à l'assaut des entreprises.


Afin de réaliser les objectifs stratégiques de réislamisation et de désassimilation des musulmans ayant quitté le dar al-islam ou de leurs descendants français - appelés à former une société à part, bénéficiaire de droits exorbitants du droit commun sous couvert de liberté religieuse - les grands pôles de l’islamisme mondial actifs en France et en Occident (wahhabites, salafistes, Frères musulmans, Tabligh, Jamaàt i-Islami, Confréries turques, Milli Görüs) ont pour priorité de compromettre l’intégration des musulmans aux mœurs impies. Pour atteindre cet objectif prioritaire, la stratégie consiste en premier lieu à cibler les lieux d’intégration sociale où les musulmans risqueraient d’être contaminés par les mœurs infidèles comme l’école, l’université, les clubs de sport, les associations culturelles, les institutions publiques et les entreprises. Ces dernières sont en effet une cible privilégiée dans la mesure où elles sont parfois l’un des derniers espaces de socialisation où des personnes de cultures et religions différentes se côtoient chaque jour et où des règles communes de vivre-ensemble peuvent permettre de se structurer et de se socialiser alors que les familles et les associations religieuses d’origine ont souvent entretenu un esprit communautariste.


Pour mobiliser des troupes, ces pôles islamistes ont ainsi élaboré, de manière plus ou moins concertée, une stratégie générale de mobilisation et d’entrisme, un programme commun informel de revendications qui consiste à instrumentaliser les valeurs pluralistes et tolérantes des sociétés d’accueil pourtant clairement combattues par l’idéologie suprémaciste islamiste. Largement inspirées des consignes des organisations comme l’OCI, la Ligue Islamique Mondiale, l’ISESCO et les Frères musulmans, ces revendications sont grosso modo les suivantes :


Multiplication des lieux de cultes et mosquées




Revendications dans les entreprises

  • Demande de jours fériés musulmans officiels : une demi-journée chômée le vendredi dans toutes les entreprises et institutions, notamment le jour du Fitr, qui marque la fin du jeûne du ramadan, et l’Adha, jour du sacrifice au cours du pèlerinage à La Mecque

  • Droit de prier pendant le travail sans retenues de salaire: deux ou trois prières journalières tombant pendant les heures travaillées

  • Introduction de quotas pour les musulmans (discrimination positive) dans l'administration, les médias, les listes électorales, et pour l'embauche de musulmans

Revendications en matière scolaire

  • Introduction de l’enseignement religieux islamique dans le cadre de l’éducation nationale ou d’écoles privées sous contrat

  • Droit de créer des écoles libres islamiques entièrement privées

  • Lutte contre la mixité

  • Demande de dispense de certains cours pour les filles

  • Droit au port du voile

  • Exclusion d'ouvrages offensants envers l'islam

  • Nourritures islamiques (halal) mises à disposition en milieu scolaire

Revendications civiles, politiques et sociétales

  • Généralisation des aumôneries et lieux de prière islamiques dans les lieux publics

  • Plus d’imams dans les prisons

  • Nourritures islamiques (halal) mises à disposition dans les milieux professionnels publics et privés, les prisons et les hôpitaux

  • Reconnaissance des règles islamiques en matière de statut personnel : mariage musulman, répudiation, polygamie, héritage (inéquitable pour les femmes), garde des enfants (qui reviennent au mari en cas de séparation)

  • Cimetières ou carrés musulmans séparés

  • Remise en question de la laïcité des États ou de leur caractère officiel chrétien, au profit d’une laïcité aménagée, réceptive à la charia, via des statuts juridiques exorbitants du droit commun (immunités juridiques et territoriales)

  • Reconnaissance institutionnelle et fiscale de l'islam : les organisations et associations charitables, religieuses musulmanes devraient pouvoir recevoir des dons avec la possibilité de déductions fiscales

  • Introduction de l’aumône légale (Zakat)

  • Création de partis politiques et grands lobbies islamiques visant à défendre les intérêts des communautés musulmanes

La loi française devrait ainsi être mise en concurrence avec la charia pour permettre à la communauté musulmane de régler de façon indépendante la vie de ses membres.

Si certaines de ces revendications ne posent pas de problème majeur à l’aune des libertés fondamentales et du droit légitime à pratiquer sa religion, garantis dans toute société pluraliste (comme les carrés musulmans dans les cimetières ou le droit à la pratique rituelle), d’autres propositions, propres à la nature théocratique de l’islamisme, sont en revanche en opposition totale avec les valeurs fondamentales des démocraties occidentales. Conscients que les valeurs théocratiques issues de la charia qu’ils défendent sont d’essence obscurantiste et suprémaciste (anti-occidentalisme, judéophobie, antichristianisme, infériorité des incroyants, supériorité de la communauté islamique sans frontières) et que certaines de leurs revendications, a priori inacceptables (inégalité des femmes, polygamie, voiles islamiques intégraux) sont vouées à susciter une hostilité naturelle de la part des autochtones sécularisés et des pouvoirs publics, ces pôles de l’islamisme ont opté pour une stratégie du faible au fort: déguiser leurs revendications néo-totalitaires en doléances progressistes et multiculturalistes, voire antiracistes.


Pour parvenir à leurs fins et mobiliser le plus efficacement à la fois les musulmans, au départ plutôt réfractaires à l’islamisme radical, les politiques et les médias, les associations islamistes ont répandu l’idée que les sociétés occidentales persécuteraient les musulmans en leur refusant des accommodements et dérogations communautaires. En vertu de cette stratégie victimaire, ils expliquent que la haine anti-musulmane s’exprimerait en premier lieu par le refus des signes extérieurs religieux (comme le voile islamique ou la consommation de nourriture halal), tant dans les lieux publics que dans les écoles et les entreprises.

Subversion des principes de laïcité, de diversité et d’égalité, et instrumentalisation de l’antiracisme


Toute la stratégie des Frères musulmans et de leurs héritiers-concurrents salafistes consiste à mettre en avant le principe de laïcité républicaine qui, selon eux, implique que la France et les pays démocratiques occidentaux en général ne doivent pas être vus seulement comme chrétiens, mais comme des terres à conquérir, ouvertes au prosélytisme panislamiste et donc neutres, et non plus comme une zone mécréante judéo-chrétienne comme jadis. L’idée apparemment contradictoire consiste à la fois à se plaindre en permanence de l’islamophobie de l’Occident chrétien-sioniste-croisé tout en invoquant le relativisme culturel et la sécularisation de ce même Occident post-chrétien pour y faire progresser l’islamisme au nom de la tolérance qui y règne. Le postulat de départ de cette stratégie subversive est que l’Occident (al-Gharb) n’est plus comme jadis une terre foncièrement hostile où l’islam était prohibé (zone que la tradition islamique nomme le Dar al-Harb, terre de la guerre) car elle est ouverte et tolérante envers les autres cultes, y compris envers l’islamisme radical. Cet Occident pluraliste et multiculturel, qui a renoncé à la suprématie de la religion chrétienne en perte de vitesse serait de ce fait devenu une terre du témoignage (Dar al-Shahada), une zone ouverte où l’islam peut s’étendre sans être discriminé par rapport à d’autres religions, y compris la religion historique majoritaire chrétienne, reléguée d’un point de vue légal au même niveau que les cultes non-chrétiens. Certes, dans leurs doctrines théocratiques, les mouvances islamistes précitées fustigent très souvent les pays mécréants et croisés, tantôt dénoncés comme chrétiens ou athées, mais leurs leaders savent que les lois sécularistes en vigueur en Occident constituent des outils fort utiles pour revendiquer des avantages communautaires au nom de l’égalité de principe entre les différentes confessions.



Un autre angle d’attaque fondé sur le principe de subversion des valeurs libérales-démocratiques consiste à évoquer le principe d’égalité de traitement entre minorités sexuelles et religieuses, comme si les deux étaient sur le même plan et participaient de la même catégorie. Cette stratégie assez efficace et médiatiquement porteuse est actuellement privilégiée par la mouvance des Frères musulmans proche du Groupe Al-Jazira qui a créé à cet effet une structure web très active, AJ+, entièrement axée sur la promotion de l’islamisme au nom de la défense des minorités face à l’intolérance, ceci dans le cadre d’une alliance avec les milieux progressistes et même d’extrême-gauche. Dans son ouvrage Quand la religion s’invite dans l’entreprise, le chercheur Denis Maillard relate le cas d’une employée musulmane pratiquante très engagée dans la promotion de la diversité qui, s'adressant au DRH d’une entreprise de nettoyage, lui lance:

Vous donnez bien aux gays, pourquoi pas à nous ?


Maillard raconte que la conversation a débuté quelques semaines plus tôt lorsque cette femme a sollicité un entretien avec le directeur de la RSE afin de solliciter une subvention pour son association musulmane d’aide aux démunis, sachant que le manager a refusé en invoquant le fait qu'il n’est pas possible de soutenir une association confessionnelle. Afin de contrer ce refus, la femme a cru bon de jouer le registre de la lutte contre la discrimination et l’islamophobie en invoquant le fait que l'entreprise a accordé auparavant des subventions à d'autres associations de femmes ainsi qu’à une association de gays qui aurait même été aidée à faire défiler un char lors de la Gay Pride. Il est clair que présenté ainsi, dans le cadre d’une équivalence toute relativiste et confuse entre causes et appartenances fort différentes, l’argument de la militante musulmane a une force de conviction non négligeable.

Les jours fériés non-chrétiens refusés et le cas épineux du travail pendant le ramadan


Concernant les jours fériés, comme le dimanche, qui demeure le jour férié officiel de la quasi-totalité des pays occidentaux de culture chrétienne (même de ceux qui abritent d’importantes communautés musulmanes : France, Grande Bretagne, Belgique, Italie, Allemagne), ce monopole de la religion chrétienne est opportunément dénoncé par les associations islamistes comme une discrimination envers les musulmans à qui on impose des jours fériés chrétiens alors que les musulmans, plus observant, seraient privés des leurs. Ces associations islamiques dénoncent le fait que les musulmans sont tributaires des accords d'entreprise qui ne leur attribuent que des exceptions dans les meilleurs cas en matière de jours fériés. À cet égard Terra Nova, le think-tank proche du parti socialiste français a été le premier à proposer (2017) que soient accordés d’office deux nouveaux jours fériés aux religions juive et musulmane. On peut retrouver cette proposition dans un rapport de la fondation qui propose la création de deux jours fériés pour les musulmans et les juifs, à la place de deux jours fériés chrétiens, les lundis de Pentecôte et de Pâques.

Pour ce qui est du ramadan, il n’implique pas seulement un problème de demandes de congés, souvent accordés aux employés musulmans désireux de vivre pleinement cette période hors de l’entreprise durant un mois plein de vacances, mais surtout des importantes complications d’aménagement d’horaires, de prières sur place et de sécurité au travail, notamment pour les tâches manuelles très physiques ou à risque d’accident plus fréquents, ceci de surcroît lorsque le ramadan a lieu pendant le printemps et l'été, marqués par des chaleurs intenses et des journées longues. Les musulmans qui n’ont pas pris leurs congés pendant cette période exigent souvent d’arriver et de partir plus tôt, ce qui provoque une désorganisation du travail et du management. La responsabilité des dirigeants, managers et chefs de chantiers ou d’équipe est considérable selon le nombre de personnes concernées, les horaires de chacun, la nécessité de servir les clients et les risques physiques (fatigue, syncopes, chutes, épuisement, accidents de la route) liés à la fatigue des employés ayant participé aux repas festifs du ramadan durant la nuit et manquant de sommeil.

On sait d’ailleurs que dans les cas où les aménagements d’horaires exigés ou demandés sont refusés, les musulmans adeptes du ramadan jeûnent quand même au risque de sombrer dans la fatigue. De ce fait, les erreurs et risques liés à une sous-alimentation doublée d’un manque de sommeil sont accrus. Dans son ouvrage Allah a-t-il sa place dans l'entreprise?, l’experte des questions de radicalisation islamiste, Dounia Bouzar, relate le cas d’une usine, dans laquelle les pratiquants musulmans feraient littéralement la loi, en imposant par exemple l’arrêt des machines au moment de la rupture du jeûne du ramadan, et en imposant un appel à la prière dans certains ateliers. Bouzar précise qu’il n’est pas possible de s’appuyer juridiquement sur le seul principe de laïcité pour contrer ce type de dérive en entreprise privée dans la mesure où il ne s'applique avec force de loi de façon pleine qu'au sein du secteur public, ce qui rend difficile l'interdiction du port du foulard dans un back-office ou de la prière pendant une pause. Il est par contre possible d’agir en cas "d'atteinte objective la bonne marche de l'entreprise ou aux règles d'hygiène et de sécurité", précise l'avocate Anne Quentier.