Attaque terroriste de Magdeburg : ce tueur à la voiture au profil plus trouble qu'il n'y paraît
Atlantico : L'auteur présumé de l'attaque meurtrière sur le marché Noël de Magdebourg, un médecin d'origine saoudienne, est "islamophobe", selon la ministre de l'Intérieur allemande, Nancy Faeser. En quoi ce nouvel élément apporte une précision importante dans le cadre de l'enquête sur l’homme ayant commis cette attaque ? Que sait-on par rapport à son profil bas?
Alexandre Del Valle : L’individu arrêté par les autorités allemandes après l’attaque sur le marché de Noël de Magdeburg, Taleb Al Abdulmohsen, était un opposant à l'islamisme et à l'islam saoudien. Il a été accueilli comme réfugié politique en Allemagne en 2006. Il apparaissait comme un militant des droits de l'homme parce qu'il défendait les victimes de la charia. Il était très actif sur Internet et certaines de ses publications éclairent sur son parcours et son idéologie.
Pendant des années, il avait l'air plutôt d’être un défenseur du monde libre, un peu comme Salman Rushdie. Les Saoudiens ont néanmoins demandé son extradition en expliquant qu'il était dangereux.
Avec l’information selon laquelle il serait islamophobe ou d’extrême droite, la gauche et les milieux politiquement corrects vont surtout faire passer cet attentat pour un attentat d'extrême droite. Il est possible de le voir ainsi. Mais d'un autre côté, l'AfD, le parti d’extrême droite allemand, ne va pas se gêner pour dire quelque chose de vrai également. Peu importe ses idées, qu’il soit pro ou anti-AfD, cet homme a été bénéficié du statut de réfugié politique alors que son pays d'origine avait averti qu'il était dangereux et qu'il pouvait être même violent. L’AfD s’indigne que l’Allemagne, qu’un Etat démocratique, privilégie le statut de réfugié politique à la sécurité des citoyens. Telles sont les leçons de ces premières heures d'étude du profil de Taleb Al Abdulmohsen.
Face à cette crise, le chancelier allemand Olaf Scholz a promis dans ce contexte "d'agir contre ceux qui veulent semer la haine". Ce drame et le discours du chancelier vont-ils marquer les esprits et l'opinion allemande ? Est-ce que ce drame pourrait renforcer Olaf Scholz et sa famille politique dans le cadre de la campagne électorale pour les élections de février ?
Face à de tels drames, il y a souvent des accusations de récupération politique. Mais cette récupération n’est pas seulement liée à l’extrême droite. Olaf Scholz essaie également de faire passer cette attaque en un attentat d’extrême droite.
Taleb Al Abdulmohsen est décrit comme étant d’extrême droite et “islamophobe”. Mais il y a quand même des éléments troublants. En 2006, il a reçu le statut de réfugié politique parce qu'il était persécuté en Arabie saoudite pour son apostasie et son opposition au régime saoudien. Cela peut être véridique.
Son attitude pourrait aussi être assimilée à de la taqîya, à de la dissimulation. Il a pu utiliser ce prétexte pour se faire passer pour un réfugié, pour baisser la garde. Mais il a quand même attaqué des Allemands dans un marché de Noël.
Dans une vidéo accessible sur les réseaux sociaux, Taleb Al Abdulmohsen explique qu'il est de gauche et qu’il en veut à l'Allemagne de ne pas accueillir assez de réfugiés. Il aurait développé un grief contre l’Allemagne en accusant son pays d’accueil de ne pas avoir reçu suffisamment de réfugiés politiques.
Il y a donc des incohérences dans son idéologie, ses croyances et ses convictions. Il a critiqué l’islam, il a été accusé d’être “islamophobe”. Pour Olaf Scholz, il est utile de révéler uniquement cette histoire, qu’il a été accueilli en Allemagne parce qu'il avait critiqué l’islam, qu’il était “islamophobe”.
L’autre revers de la médaille est qu’il peut avoir menti. Dans cet attentat, il n’a pas tué ou ciblé des musulmans. Il s’est attaqué au coeur des fêtes chrétiennes de l'Allemagne.
Il a avoué lui-même dans des publications qu'il était contre la politique de l’Allemagne concernant les réfugiés. L’Allemagne était trop radicale, selon lui, en n'accueillant pas assez de réfugiés. Cela ressemble à des griefs partagés par beaucoup de terroristes d'origine étrangère, des Afghans ou des Tchétchènes, qui sont passés à l’acte et qui ont fait des victimes en Europe ces dernières décennies. Cela correspond à ce que j'ai appelé le “djihadisme migratoire”. Il y a de plus en plus de profils d’individus qui en veulent aux pays d'origine et qui font des attentats terroristes de type islamiste, anti-chrétiens, anti-juifs, mais avec le grief de la défense des réfugiés, de l'immigration et où un reproche est adressé aux pays européens qui n'accueillent pas assez de migrants. Il y aura des rebondissements dans le cadre de l’enquête.
L’assaillant s'en est pris à des symboles chrétiens de l'Allemagne. Il n'a pas attaqué, comme Breivik, un campus d'étudiants de gauche ou le Parti socialiste allemand ou le SPD.
Dans une vidéo, l’assaillant se définissait comme étant de gauche. Il avait publié des dizaines de messages sur Twitter en expliquant qu'il ferait payer les Allemands parce que l'Allemagne n'accueille pas assez de réfugiés. De plus en plus de publications sur les réseaux sociaux, signées par Taleb Al Abdulmohsen, refont surface.
Dans un tweet, il annonçait qu'il allait faire payer l'Allemagne, qui a maltraité des réfugiés politiques syriens et des réfugiés politiques saoudiens, et notamment des femmes saoudiennes, selon lui. Il a publié ces messages en tant qu’opposant au régime saoudien mais il y avait des menaces contre l’Allemagne pour le traitement réservé aux réfugiés.
S’il ne pratiquait pas la taqiya, s’il n'a pas menti en faisant croire qu'il était athée, il est possible d’avoir deux analyses totalement opposées sur cet attentat. L'extrême droite peut dire que le profil de l’assaillant témoigne du fait que l’Europe accueille des individus qu’il ne faudrait pas accueillir puisque l'Arabie saoudite avait elle-même averti sur la dangerosité de ce profil. L’AfD peut revendiquer le fait que ce réfugié n'aurait pas dû avoir le statut de réfugié.
La deuxième lecture peut être celle d’un réfugié qui en veut à l'Allemagne et qui a une énorme ingratitude. Il accuse le pays qui l'accueille de ne recevoir assez de réfugiés. L’attentat qu’il a commis ressemble beaucoup à un attentat islamiste.
Dans un troisième scénario, il aurait pu mentir sur son athéisme et il se serait secrètement reconverti à l'islamisme. Il aurait déjoué les radars en se faisant passer pour un anti-musulman.
Il est encore trop tôt pour savoir s’il s’agit vraiment d’un attentat d'extrême droite. Il s’agit d’un attentat dans lequel un réfugié, qui aurait pu être expulsé, a réglé des comptes personnels et avec beaucoup d'ingratitude envers le pays qui l'a accueilli. Ce drame peut être assimilé à une faillite de la politique d'immigration. Il n’est pas possible d’imputer à l'extrême droite les problèmes mentaux de ce médecin.
Comments