Alexandre Del Valle : Les risques de l’intégration euro-atlantiste de la Géorgie et le «dilemme ukrainien»
CHRONIQUE. Ce samedi 26 octobre, si le Rêve géorgien remporte le scrutin législatif, les négociations avec Bruxelles seront gelées. Toutefois, le parti au pouvoir, accusé de se rapprocher de Moscou, risque de se mettre à dos la jeunesse europhile si l’adhésion à l’UE est compromise à cause de lui. Vers une crise comparable à celle en Ukraine en 2013 ?
Les résultats de ces élections auront une double valeur de référendum : pour ou contre la Russie ou l’Occident ; et pour ou contre l’opposition pro-UE et atlantiste, soutenue par la Présidente sortante dont le mandat expire dans 3 mois. Dans ce contexte, le Rêve géorgien, le parti du milliardaire Bidzina Ivanichvili qui soutient le premier ministre, Irakli Garibachvili, présente ce scrutin comme un choix existentiel entre la paix et la guerre.
Bien qu’ayant engagé le processus d’adhésion à l’Union européenne, il y voit désormais un facteur de guerre avec la Russie. Le Rêve géorgien est par ailleurs devenu de plus en plus conservateur et l’UE vient de suspendre une aide de 30 millions d’euros depuis sa réforme constitutionnelle interdisant les publicités de moeurs « non traditionnelles » et les ONG financées par l’étranger à plus de 80 % accusées d’ingérence.
Pour la Commission européenne, ceci équivaut à une suspension de facto de l’adhésion de la Géorgie à l’UE. Comme si le wokisme était le fondement de la démocratie, Bruxelles voit dans la « réforme anti-LGBT » et les lois anti-ONG étrangères des « lois » russes. Le Rêve géorgien assimile ceci à de l’ingérence et du chantage. Quant à l’opposition, proche de la présidente Salomé Zurabishvili, qui vit une grande partie de son temps à Paris où elle est née, elle a présenté fin mai une feuille de route pour rassembler les 4 forces de l’opposition autour d’un plan d’action commun qui vise à abroger ces lois, à dépolitiser le pouvoir judiciaire, à se rapprocher de l’OTAN et de l’UE, puis à récupérer les territoires sécessionnistes pro-russes perdus en 2008. En fait, l’avenir politique de Zurabishvili dépend de la majorité qui sortira des urnes ce soir.
Un pays fracturé en risque permanant « d’ukrainisation »
Comme jadis l’Ukraine ou maintenant la Moldavie, où le deuxième tour des élections présidentielles aura lieu le 3 novembre, le rapprochement avec l’UE et l’Otan, en cas de victoire du camp antirusse, fait courir le risque d’un nouveau conflit avec Moscou qui dispose de contingents militaires en Ossétie du Sud et en Abkhazie. Comme durant la révolution de couleur en Géorgie (2003) – qui avait débouché en 2004 sur l’élection du pro-occidental Saakachvili, lequel avait imprudemment attaqué les séparatistes pro-russes, et comme en Ukraine en 2014 après la révolution de l’Euromaïdan, ces pays fracturés opposent en fait, par pays interposés, deux empires ennemis, la Russie et les Etats-Unis, lesquels se disputent une profondeur stratégique dans ce pays.
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