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Nouveau gouvernement populiste à Rome : cette énorme différence entre ce qu’en disent les médias ita


Atlantico : Tandis que les presses françaises et européennes s’inquiètent de l’avènement du nouveau gouvernement populiste en Italie, la presse italienne, même de gauche (comme La Repubblica), semble moins inquiète. Que vous inspire ce décalage dans le regard médiatique ?


Alexandre Del Valle : Je suis d’autant plus sensible à votre question que mon ascendance italienne et le fait que j’ai étudié en partie en Italie avant d'y travaillé avec la presse et les politiques italiens, puis publié [1] Outre-Alpes et participé à moult débats, me permet de mesurer chaque jour le décalage culturel et idéologique qui différencie nos deux pays pourtant si proches !

J’ai d’ailleurs souvent pu constater personnellement à quel point ce que l’on peut faire en Italie est inconcevable en France. Ainsi, ce qui est vu comme extrême d’un côté paraît-il normal de l’autre. Ce qui, en France, disqualifie médiatiquement peut vous rendre sympathique en Italie, des frasques sexuelles de Berlusconi (« Bunga bunga… ») aux thèmes identitaires, notre sœur italienne est si proche mais si différente !


Quant aux réactions de la pression italienne, plus mesurées qu'en France, il est vrai que La Repubblica, qui fut acheté par l’éditeur de gauche Carlo de Benedetti dans les années 1980, est proche du parti démocrate de Renzi (centre-gauche), et, bien que réputé « politiquement correct », n’en a pas moins fait l’éloge durant des années de la célèbre journaliste italienne Oriana Fallaci, connue pour ses pamphlets islamo-critiques publiés après le 11 septembre ! Pareille attitude est proprement inconcevable en France, avec un journal équivalent comme Le Monde par exemple, qui tolère difficilement l’islamo-scepticisme d’un intellectuel algérien laïque comme Kamel Daoud vu comme « islamophobe ».


Ce qui est frappant, dès que l’on franchit les Alpes, c’est la différence de traitement de l’opinion publique dans la presse écrite, les débats, les grands shows télévisés, et même les discours politiques.

D’un côté, les paroles sont plus libres et décomplexées, au point d'inclure une certaine vulgarité et une auto-dérision ; de l’autre, malgré les débats parfois violents, on constate une certaine tolérance idéologique et une acceptation bien plus grande de l’altérité politique dans un débat ouvert.


Certes, les militants et leaders historiques, de la Lega (ex-Ligue Nord), d’Umberto Bossi (son fondateur connu pour ses hurlements et ses revendications séparatistes et anti-méridionaux) à Matteo Salvini, l’actuel chef du mouvement co-vainqueur (avec M5S-Cinq étoiles) des dernières élections, aux accents carrément nationalistes et anti-immigration, peuvent être acerbes, outranciers même.

Toutefois, les Italiens allient ces emportements verbalement et idéologiquement extrêmes à une grande tolérance entre individus. Ce qui fait que dans un débat public ou un dîner en ville, un « post-fasciste » anciennement membre d’Alleanza Nazionale ou du Movimento Sociale (son ancêtre ouvertement fasciste) peut être reconnu comme un authentique démocrate du « centre-droit » (Centro Destra) sans renier de son engagement fasciste passé, ce qui est proprement inconcevable en France. Quand on pense que l’intellectuel fasciste italien Julius Evola est étudié et cité dans les revues sérieuses comme Limes (revue géopolitique de Lucio Caraciolo issue du groupe de presse de gauche Repubblica) et que Pino Rauti, l’ex-leader historique du parti fasciste Movimento Sociale Italiano (MSI), est cité avec respect comme un défenseur des droits sociaux, la France est à des années lumières de ses voisins italiens souvent définis, selon le mot de Cocteau, comme des « Français de Bonne humeur ».


De même, Silvio Berlusconi, habitué à vanter « certains mérites » passés du Duce sans que cela ne choque outre mesure, est-il l’allié depuis les années 1990 de la Ligue du Nord (très hostile à l’immigration islamique et qui siège avec le Front National au Parlement européen), alors que son propre parti, Forza Italia, siège avec les Républicains et les démocrates-chrétiens allemands au Parlement européen (Groupe PPE) sans immense scandale dans la presse italienne ! Peut-on imaginer situation plus « inconcevable » en France où même un Laurent Wauquiez ne franchira jamais le Rubicon de l’alliance avec le FN (jugé par ailleurs trop étatiste par la droite classique) ?


Un des leaders de la Ligue, Roberto Maroni, l’homme qui a mis en selle et précédé l’actuel chef de la Ligue, Matteo Salvini, et qui fut Ministre de l’intérieur d’un précédent gouvernement Berlusconi, est même considéré par la presse italienne comme un « modéré » et un homme respectable (il a même été président de la région Lombardie, la plus riche du pays) malgré son combat contre l’immigration clandestine et extra-européenne.


Cette culture politique italienne, mélangeant « trasformismo » (recyclage et assouplissement des idées défendu par le politologue Sergio Romano), et cynisme italien, était déjà à l'œuvre dans les années 1980 lorsque Marco Panella, le leader historique du parti radical (centre-gauche libertaire pro-LGBT), avait fait élire au Parlement italien la fameuse Cicciolina (actrice pornographique hongroise mariée à un homme d’affaires et politique italien). Ce type de politique-spectacle fait d’autodérision extrême est unique en Europe et son sous-bassement « anti-Establishment » explique déjà la vague populiste actuelle.


Notons en passant que Jean-Marie Le Pen - qui n’est pas spécialement de gauche ou pro-LGBT - faisait partie au Parlement européen d’un groupe de non-inscrits aux côtés de Marco Panella, qui, bien qu’étant très antifasciste, antiraciste, judéophile et pro-Israël, n’hésitait pas à afficher son amitié pour le chef du FN avec qui pourtant tout l’opposait. Une vision très italienne d’acceptation de la différence d’idées inconcevable pour nos journalistes, exceptés des Zemmour, Bercoff ou Goldnadel iconoclastes. En France, Panella, d’ailleurs ami d’un des députés les plus virulents de la Ligue, Mario Borghezio, malgré son antifascisme authentique, aurait été victime d’oukazes médiatiques et contraint à une auto-critique publique.


Certes, en Italie, les luttes idéologiques et partisanes sont violentes, les années de Plomb ont montré que l’extrême gauche et dans une moindre mesure l’extrême-droite peuvent être encore plus révolutionnaires et violentes qu’en France. En revanche, les individus s’autorisent des relations inter-personnelles plus souples et paradoxales : un homme de la droite identitaire et populiste et même un ex-fasciste non-repenti peut faire des débats et participer à des colloques avec un militant communiste, un socialiste à la Macron comme l'ex-Premier ministre italien Renzi, peut être à la fois le chef du parti le plus opposé à Berlusconi, et l’ami et « disciple » de ce dernier, Renzi a même fait campagne en faveur du mariage gay, idée peu évidente au départ dans ce pays surveillé de près par le Vatican, tout en revendiquant constamment être un « catholique pratiquant »


Les Italiens pratiquent naturellement le paradoxe, les incohérences, les contradictions idéologiques et stratégiques.


De la même manière, un leader de la Ligue radicalement europhobe et anti-immigrés peut siéger courtoisement à la tête de sa région avec les adeptes très policés du centre-droit et un leader de l’ex-Ligue du Nord, jadis viscéralement hostile aux « Terroni » du Sud (Mezzogiorno), Matteo Salvini, est devenu très populaire à Rome, à Naples et même en Sicile, où des listes « Noi con Salvini » (« Nous avec Salvini ») sont constituées sans réactions de rejet populaire et sans indignation médiatique.

Depuis quelques jours, ce même Salvini et ses députés fraichement élus de la Ligue représentant un vote nord italien de professions libérales et d’entrepreneurs anti-sud, est devenu l’allié de Gouvernement de son pire opposé idéologique, le « terrone » napolitain qui représente le sud « fainéant », assisté et mafieux détesté par les électeurs de la Ligue. On peut trouver mille exemples de ce « trasformismo politico » si bien décrit par Sergio Romano dans son inépuisable « L’Italie, du Risorgimento à nos jours ».


Aussi l'extrême gauche italienne tolère-t-elle bien plus l’altérité et la liberté d'expression. La culture française manichéenne des meetings de droite troublés par des « anti-fascistes », « black blocks » ou « indignés » est inconnue en Italie, alors même que l’extrême-gauche y est active et assume un passé pro-terroriste.


La culture française républicaine-jacobine issue de la Révolution française et des guerres vendéennes éradicatrices du Mal a laissé des traces. Elle rend presque impossible des débats vraiment pluralistes où tout se passe dans la courtoisie malgré les oppositions d’idées : nous sommes ainsi toujours en guerre révolutionnaire larvée. Les « ennemis du peuple » comme les « bourgeois », qui ont pris la place des monarchistes catholiques vendéens dans la figure du Mal face aux immigrés ou aux minorités « néo-racisées » qui ont remplacé le prolétariat autochtone, doivent être éradiqués et livrés à l’échafaud afin « d’écraser l’infâme ». Il n’est absolument pas étonnant que notre merveilleux pays, la France, marquée par une intolérance politique qui connut son apogée sous le régime de la Terreur et est perpétuée par la Gauche tiersmondiste-xénophile, ait inspiré, formé ou influencé idéologiquement la plupart des despotes sanguinaires du XXème siècle d’Europe et du Tiers-monde de Napoléon Ier à Staline, en passant par Mao, Lénine, Pol Pot, Hassan al-Tourabbi (Soudan) ou l’ayatollah Khomeiny (Iran), grand amateur de Franz Fanon et admiré par Sartre et Foucault.

La France est « l’inspiratrice idéologique des peuples » pour le meilleur et pour le pire depuis des siècles. Et le pire est souvent notre propension à chasse les sorcières non-conformes et à excommunier les Cathares comme les Ultramontains. Les guerres de religions qui firent couler tant de sang avant Henri IV ont laissé autant de traces que la Terreur et sa guillotine. L’Italie quant à elle, n’a pas cette tradition de « terreur » politique ni même cette prétention à la Vérité universelle ou au « magistère moral », dont s’occupe le seul Vatican. Elle est « l’inspiratrice artistique » des peuples, une nation jeune et trop jeune pour être complexée jusqu’à la haine de soi dont nous sommes les champions dans la vieille France culpabilisée. Cette comparaison entre la vocation artistique et culturelle de l’Italie et la vocation idéologique de la France, qui fut merveilleusement faite par le grand philosophe chrétien français Marcel Clément, est vérifiée chaque jour par les amoureux et connaisseurs des deux pays voisins.



Atlantico : Quel est l'impact des médias italiens sur le résultat des élections italiennes ? Qui sont leurs propriétaires ?Cherchent-ils à peser sur le débat politique ?


ADV : En fait s’il est vrai que l’empire Finninvest-Mediaset de Silvio Berlusconi est impressionnant, il convient de relativiser son impact politique, dans la mesure où en Italie, les télévisions Berlusconi ne sont pas spécialement à droite ou engagées idéologiquement, mais surtout capitalistes et consuméristes ! Elles vivent du divertissement et de la pub et ne sont pas, comme on le croit, des chaînes politisées. Il faut les comparer plutôt au groupe Canal+ (pas la chaîne elle-même).

J’ajoute que les médias de Berlusconi (et Berlusconi lui-même ainsi que son parti Forza Italia) ont sévèrement critiqué le parti populiste « Cinq Etoiles » de Di Maio, arrivé en tête des dernières élections en termes de parti (la droite unissant Forza Italia de Berlusconi et la Ligue de Salvini n’ayant gagné qu’en termes de coalition).


Les intellectuels lui reprochent de répandre une culture hédoniste, consumériste, vulgaire, américanisée et « acculturante », puis de favoriser les bas instincts avec des présentatrices aguicheuses, des jeux abrutissants sans oublier le culte quasi religieux du « Calcio », le foot.


Si les chaînes berlusconiennes ont pu favoriser un homme politique, c’est seulement Berlusconi lui-même, qui y est présent à chaque élection, mais pas la droite idéologique en tant que telle et encore moins le populisme de gauche et étatiste de 5 étoiles (M5S), car il existe un contentieux énorme entre Cinq Etoiles et Berlusconi, qui a d’ailleurs qualifié le nouveau leader de M5S Di Maio de « fainéant qui n’a jamais travaillé de sa vie et qui vit chez sa Maman ». Berlusconi qui est très favorable à l’euro, dénonce par-dessus tout le programme économique « d’assistés » du M5S qui « mènera inéluctablement l’Italie à la catastrophe. »


Pour ce qui est des médias et de leurs propriétés et orientations, il y a plus de pluralisme qu’on ne le dit en France, car chez nous, les grands groupes de presse sont presque tous possédés par quelques grandes sociétés, souvent liées au bâtiment (comme Berlusconi), à l’aviation à l’armement… ce qui n’est guère plus « libre » qu’en Italie…


  • La Repubblica, presse écrite préférée de l’Intelligentsia, qui demeure dans le giron de la famille De Benedetti, de tendance centre-gauche, reste l’ennemi suprême de Berlusconi;

  • Il Corriere Della Sera (centre-droit modéré), reste la propriété de RCS Media Group qui comprend parmi les actionnaires majoritaires les deux éditeurs Rizzoli et Mondadori, lié aux sociétés de Berlusconi, mais est assez neutre et politiquement correct, hostile aux populismes.

  • Il Giornale est toujours tenu par l’empire de Silvio Berlusconi,

  • Il Libero (le plus à droite avec La Verità) par la famille Angelucci (droite) ;

  • et Il Foglio, qui fut créé avec le néo-Berlusconien Giuliano Ferrara, est loin d’être aussi pro-Berlusconi que l’on pense car il est le journal des intellectuels à la française hostiles aux excès démagogiques.


Pour les grandes télévisions, on affirme souvent en France que toute la presse italienne télévisuelle serait la possession de Berlusconi, donc « de droite », alors qu’en vérité, les grandes chaînes publiques du groupe Rai (1, 2, 3, etc) sont plutôt à gauche et souvent clairement anti-Berlusconi, tandis que toutes les TV privées ne sont pas contrôlées par Silvio Berlusconi. Ce dernier possède à travers ses sociétés Canale 5, Rete 4, Italia 1, Médiaset, mais La 7, très regardée, appartient à Cairo Communication, qui n’a rien à voir avec le Cavaliere. Enfin, comme en France, d’autres contre-pouvoirs existent en Italie, notamment les juges, très politisés à gauche, et le monde universitaire peut-être encore plus idéologisé à gauche et à l’extrême gauche encore que la France, mais moins ostraciste et plus ouvert.



Atlantico : Dans l’hypothèse où ce gouvernement tirerait l’Italie vers l'autoritarisme, quels contre-pouvoirs pourraient s’y opposer ? Le Vatican et la presse chrétienne ont-ils une influence ?


ADV : Les pouvoirs médiatiques face au gouvernement populiste Ligue-M5S vont demeurer et seront très forts et virulents. Les chaînes du Groupe Rai, marquées à gauche sont hostiles au souverainisme keynésien de Salvini et Di Maio. Les chaînes de Berlusconi, qui a dit qu’il conserverait une neutralité critique lorsqu’il a décidé de se retirer de la course, vont être très critiques sur les questions de l’Europe, de l’Euro et de la dette, nécessairement aggravée par un « programme pour assistés » selon le mot de Berlusconi.

En effet, le Mouvement Cinq Etoiles a fait campagne sur la promesse d'un revenu universel aux 30 % de jeunes chômeurs du Sud du pays. Par ailleurs, la flat-tax de 15 % sur le revenu proposée par la Ligue Nord va également aggraver la dette à des seuils qui seront vite insoutenables si le programme populiste est maintenu. Pour toutes ces raisons, l’empire médiatique Berlusconi ne sera pas le grand défenseur du gouvernement qu’il n’a pas voulu bloquer dans le seul but de faire un « deal » pour retarder ses procès…


« L'Italie ne connaît pas le phénomène de « l’assassinat médiatique ». Les Mediapart, Le Monde, Le Canard Enchaîné n’y existent qu'à une échelle très réduite car l’Italie n’est pas une société complexée »


D'autres contre-pouvoirs existent en Italie, mais ils sont différents. A la différence de la France, où depuis les dérives justicialistes du journal Le Monde, devenu avec l’arrivée du tandem Colombani-Plenel un organe chargé de terroriser intellectuellement les récalcitrants par la « reductio ad hitlerum », l’Italie ne connaît pas le phénomène de l’ostracisme ou de « l’assassinat médiatique ». Les Mediapart, Le Monde, Le Canard Enchaîné n’y existent qu'à une échelle très réduite car l’Italie n’est pas une société complexée : elle n’a pas livré massivement les Juifs aux Allemands comme le fit la Collaboration française, son passé fascisant n’est pas regardée avec autant de sévérité que nous. [2]


L’Italie, qui condamne largement « l’erreur » de l’alliance avec Hitler après 1938 n’est pas excessivement culpabilisée par la phase 1922-1937, et cette dichotomie déculpabilisante, que l’on a droit de discuter mais qui est très forte chez nos voisins, fait que l’Italie est l’un des pays d’Europe où le terrorisme intellectuel sous couvert « d’anti-fascisme » fonctionne le moins bien, certes après les cas des pays de l’Europe de l’Est, quant à eux encore plus décomplexés par rapport aux questions identitaires puisque leur ultime traumatisme est le communisme qui mettait au goulag « bourgeois » et soi-disant « fascistes ». La reductio ad hitlerum, qui permet de disqualifier n’importe qui chez nous qui n’est pas sinistro-compatible, n’y est point une garantie ou un anticorps contre le populisme de droite et le populisme souverainiste en général tel que vanté par Steve Bannon.


Étonnamment, l’Italie est à la fois le pays du Vatican, super-lobby immigrationniste qui œuvre énormément à faire accepter l’immigration extra-européenne et à culpabiliser régulièrement les partisans du contrôle des flux migratoires ou de la sécurité, mais aussi le pays des patriotes décomplexés qui assument leur histoire en ne jugeant pas anachroniquement le passé avec le regard du présent. Certains le regretteront, mais je crois qu’en Europe de l’Ouest, l’Italie est le pays où le politiquement correct a le moins de prise. Et lorsque ce dernier existe, il n’y est pas porté par une gauche trotskiste passée maîtresse en manipulation mentale et médiatique mais par une partie significative de l'Eglise catholique béatement « buonista » (« bonniste ») qui impressionne moins les Italiens que l’extrême-gauche française. Enfin, ce politiquement correct s'observe à travers la tendance « radical chic » (« gauche Caviar »), bourgeoise et déconnectée des réalités, une microcosme qui n’impressionne plus d’ailleurs que l’Eglise, elle-même en perte de vitesse et jugée trop moraliste.

Atlantico : Existe-t-il une presse susceptible de soutenir le gouvernement ?

ADV : Oui. Il existe tout d’abord une presse écrite de droite susceptible de soutenir les volets anti-immigration et anti-islam de la Ligue (ex-du Nord) de Matteo Salvini.

Premièrement Il Libero et La Verità, les deux quotidiens les liés à la « droite identitaire », puis dans une moindre mesure Il Giornale, ainsi que les blogs de ces journaux et ceux des mouvements plus à droite encore comme le mouvement néofasciste Casapound en pleine ascension, Fratelli D’’Italia (« frères d’Italie », alliés de Berlusconi et de la Ligue, très patriotiques. Quant au mouvement M5S (Cinque Stelle-5 Etoiles), bien que parfois épargné par La Repubblica et Il Corriere della Sera, il a été surtout appuyé dans ses dérives économiques par la « Stampa populista » (presse populiste) qui se trouve essentiellement sur le Net, sachant que le M5S est l’un des mouvements politiques européens les plus performants en matière de communication web et de campagnes virtuelles.


Comme l’a dit Steve Bannon, le chantre américain du populisme identitaire qui a contribué à la victoire de Donald Trump sur des thèmes de rupture, « la vague populiste n’est qu’à ses débuts, et l’euro ne pourra pas survivre » étant donné le déclassement progressif des médias classiques, institutionnels et le succès des médias web fondés sur une stratégie de rupture et de rejet de l’Establishment. Bannon prévoit même que « c’est en Italie que l’implosion de l’Europe va commencer dans le cadre de l’émergence d’une internationale souverainiste ».


Dans cette optique, les Web médias de ces mouvances très opposées (néofascistes de Casapound, identitaires de la Ligue et populistes « assistentialistes » de M5S) ne vont pas coopérer mais converger dans la défense de l’alternance radicale contre « La Caste », dont Berlusconi lui-même fait partie pour eux, d’où le fait qu’il a dû se résoudre à se retirer de la course au pouvoir sous pression de Luigi di Maio de Cinq Etoiles.

Ces partis anti-caste, ces blogs et journaux n’ont que faire de ne pas disposer de télévisions à eux. La Ligue Nord, qui jadis possédait un journal, une radio et une télévision nommées La Padania (du nom de la nation nord-italienne qu’ils voulaient rendre indépendante contre le sud), n’a plus besoin de ces médias alternatifs encore trop classiques totalement dépassés par les blogs radicaux et moins couteux. Ces blogs court-circuitent totalement les médias institutionnels, publics ou mêmes ceux des grands groupes capitalistes comme la holding médiatique de Berlusconi en Italie, l’empire Murdoch en milieu anglosaxon, ou Dassault et Bolloré ou Bouygues en France.


Rappelons d’ailleurs que l’un des blogs politiques italiens les plus actifs est celui de Beppe Grillo, fondateur du mouvement Cinq Etoiles, dont le leitmotiv a été d’appeler au rejet de « La Casta » qui serait « vendue aux banques » et « tenue par Bruxelles ». A cet égard, les grands show télévisés politiques pro-Berlusconi, comme Porta Porta du célèbre Bruno Vespa, ou les débats politiques sérieux de Marzullo (Sotto Voce), ne pèsent presque plus rien face aux blogs comme « Il blog delle Stelle », force de frappe web du nouveau leader de M5S, Luigi di Maio.


Certes, on compte parmi les grands blogs nationaux certains portails liés à des journaux « respectables » :

- Piovono Rane - le blog d’Alessando Gilioli du groupe L’Espresso, numero deux en nombre de click,

- L’Antefatto - blog de Il fatto Quotidiano,

- Metilparaben - blog d’Alessandro Capriccioli, de L’Unità (gauche communiste),

- celui du Ilfoglio.it/cerazade - blog de Claudio Cerasa,

- Lavoce.info, également très lu,

- le blog écologiste Ecoblog,

- le blog de Mauro Biani – satirique,

- du caricaturiste Mauro Biani, proche de la gauche dure de L’Unità,

- etc...


Mais les plus actifs et liés à un réel engagement politique sont ceux cités précédemment ainsi que ceux de la Ligue,

- des néofascistes de Casapound

- ou encore comme le site Politica,

- le blog du Fameux juge Antonio Di Pietro, leader du parti Italia dei Valori (gauche laïque anti-corruption), à l’origine du tsunami « main propres » des années 1990 qui balaya la démocratie chrétienne et le camp socialiste de Bettino Craxi avec à la clef des dizaines de suicides et des centaines de condamnations.


Depuis, l’Italie n’est plus le même pays. Le peuple est persuadé que les politiques sont « tous pourris », « sans exception », sauf éventuellement les nouveaux partis comme la Ligue et M5S composés de cadres trentenaires. Depuis, le dégoût des classes modestes et des intellectuels ou juges vertueux envers la politique « affairiste » a porté les germes du raz de marée populiste actuel que Silvio Berlusconi, malgré son alliance de survie avec la Ligue, n'a pas su contenir ou reprendre à son compte. Même la très politiquement correcte « caste des Juges », proche des idées éradicatrices de Di Pietro, est en partie séduite par l’éviction de la « Casta » corrompue et anti-sociale adepte de l’austérité pour les pauvres mais pas pour elle...


L’erreur des élites italiennes a été de porter Mario Monti au pouvoir après la crise financière de 2008 sans tenir compte des urnes et dans le cadre d’une mise sous tutelle de l’Italie humiliée par l’austérité décidée par l'Europe. L’erreur a été de sous-estimer l'opinion publique des Italiens moyens qui, à tort ou à raison, se sentent victimes de deux fléaux : la corruption endémique de la classe politique et les élites mondialisées/bruxelloises déconnectées du peuple et peu soucieuses d’onction démocratique populaire.

On a moqué la conviction populaire selon laquelle l’Euro a ruiné l’Italie et fait baisser le niveau de vie des classes pauvres sous prétexte que si les prix de première nécessité ont augmenté ainsi que l’immobilier, les matériels électroménagers, hifi et informatiques ont baissé. Mais ces calculs d’économistes de Francfort qui vivent dans un monde de nantis ne sont plus audibles par ceux qui gagnent 800 euros par mois et