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Le Qatar du soft power et de l'appui aux Frères musulmans au financement du djihadisme

Après l'Arabie saoudite, le Koweït et le Maroc, l'auteur poursuit son feuilleton, "avec des amis comme ceux-là, pas besoin d'ennemis", concernant les pays qui appuient ou encadrent l'expansion de l'islam chez nous mais persécutent les convertis au christianisme chez eux...

ous la présidence de François Hollande, le phénomène trop souvent attribué au seul Nicolas Sarkozy s'est poursuivi : un Fond d'Investissement Commun a été créé en Juillet 2014 par la Caisse des dépôts et la Qatar Holding LLC.

Depuis des décennies, le Qatar, à la fois allié au sein du Conseil de Coopération du Golfe et rival de Riyad dans la promotion du fanatisme islamiste, est devenu un pôle majeur de l'islamisme mondial, malgré sa petite taille mais grâce à ses énormes moyens financiers, à sa diplomatie offensive et à son soft power médiatique. Le Qatar, monarchie wahhabite comme l'Arabie saoudite, mais à l'image plus moderne, est dirigée depuis 150 ans par la dynastie des Al-Thana, forte de 3000 membres et tiraillée par d'âpres rivalités entre tendances "modernistes" pro-Occidentaux (concept relatif dans ce pays) et wahhabites ou pro-Frères musulmans. Peuplé de 2 millions d'habitants, dont seulement 200 000 Qataris (80% de la population est étrangère), le Qatar est un tout petit pays de 11400 km² mais dont la puissance sans commune mesure avec le territoire vient du fait qu'il est le premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL) devant la Russie et l'Iran.





Par ailleurs, le Qatar héberge l'une des plus grandes bases militaires américaines dans la région depuis qu'un traité a été conclu avec les Etats-Unis en 1995.

La pénétration des démocraties occidentales

Afin de préparer l'après-hydrocarbures, le pays des Al-Thani a investi dans une cinquantaine de pays dans les domaines suivants : finance, industrie, énergie, hôtellerie, produits de luxe, médias, mode, immobilier, etc. En Occident, le Qatar est profondément implanté, notamment à Paris, Barcelone et bien sûr Londres (il possède les magasins Harrods, le Hyde Park, le complexe résidentiel le plus cher de Londres, ou encore le Shard, l’immeuble le plus haut de la ville). En échange d'avantage fiscaux exceptionnels, le Qatar a particulièrement visé ces dernières années la France, notamment sous les présidences de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy. Le processus s'est toutefois poursuivi sous François Hollande, bien que celui-ci ait un fort prisme pro-saoudien. Dans le cadre de cette stratégie de diversification économique vers l'étranger, l'outil principal a été le Qatar Investment Authority (QIA), le fond souverain officiel qatari. Celui-ci a investi dans l'hôtellerie de luxe. Le QIA, qui arrive en dixième position au niveau mondial, possède outre le Virgin et 35 000 mètres carrés sur les Champs-Élysées : 27% de la Société des casinos de Cannes (Barrière Croisette et Les Princes, hôtel Majestic et Gray d'Albion), 13% du groupe Lagardère, 8% d'EADS, 6% de Vinci, 5% de Veolia, 3% de Total, 2% de Vivendi, 1% de LVMH, sans parler du soft power que constitue l'achat du PSG ou le partenariat avec le club de foot de Barcelone (Barça). Sous la présidence de François Hollande, le phénomène trop souvent attribué au seul Nicolas Sarkozy s'est poursuivi : un Fond d'Investissement Commun a été créé en Juillet 2014 par la Caisse des dépôts et la Qatar Holding LLC afin de constituer un fonds de 300 millions d'euros destiné à investir principalement dans des PME françaises.

Alors qu'il a une main dans les affaires au sein de l'économie mondiale et des démocraties occidentales, ainsi qu'une image pacifique de pays dont la seule arme serait le soft power des médias et du foot ("religion de l'Occident" qui permet d'endormir les méfiances des "mécréants"), le Qatar a une autre main dans le djihad et la promotion du fanatisme islamiste tous azimuts. Il a notamment envoyé des avions entiers chargés d’armes à des mouvements islamistes djihadistes tant en Irak, en Somalie, à Gaza qu'en Syrie, au Soudan ou au Mali. En Libye, la coalition islamiste (Salafistes et Frères musulmans) appelée "Aube libyenne" (Fajr Libya), a été l'un des principaux bénéficiaires de cette aide. Les services occidentaux savent que le Qatar a livré des armements en Syrie, au Mali ou en Libye, en violation des embargos sur les armes, notamment en direction de Misrata, près de Tripoli, non loin des bases de Fajr Libya et de la coalition des milices islamistes.


Soutien aux Frères musulmans et aux djihadistes du monde entier

Le Qatar héberge de nombreux leaders et propagandistes islamistes. Il fournit refuge, aide financière, travail, soutien logistique, politique et médiatique à moult partis et groupes combattants islamistes en Afrique, au Proche-Orient, en Occident et jusqu'en Asie. De façon officielle, Doha appuie depuis des décennies les Frères musulmans dans le monde entier. La stratégie qatarie de soutien à la puissante Confrérie a fini par irriter d'autres Etats arabes, y compris l'Arabie saoudite, qui craint que la "démocratie musulmane" et donc la soif de pouvoir prônée par les Frères musulmans se retournent un jour contre leurs régimes clanico-féodaux. C'est pourquoi, après l'avoir appuyée pendant des décennies, l'Arabie combat chez elle la Confrérie depuis les années 1990, date à laquelle le Qatar et le Koweït ont pris le relais. De leur côté, l'Egypte du Maréchal Al-Sissi et son allié des Emirats arabes Unis, tous deux en guerre contre les Frères et irrités par la diplomatie intrusive pro-frériste du Qatar, sont entrés en guerre contre l'islam politique, tant en Egypte qu'en Libye.

A contrario, Doha estime avoir beaucoup à gagner de la relation étroite avec les Frères, car cela lui permet tout d'abord de garantir qu'ils ne tenteront pas de faire de la politique dans ce pays tout en contribuant à l'extérieur à élargir la "profondeur" stratégique de ce petit pays via l'accession de pouvoirs fréristes susceptibles d'être reconnaissants par la suite envers leur riche parrain. Les autorités du Qatar escomptent ainsi être prépositionnées dans plusieurs pays arabes sur le plan économique et politique à la faveur d'une alternance démocratique-islamiste qu'ils auront favorisée tout en la contenant chez eux. Enfin, le Qatar entend, tout comme la Turquie, se positionner comme intermédiaire incontournable entre les islamistes et leurs ennemis, dont l’Occident, ce qui leur procure un atout géopolitique. Dans ce contexte, une partie des "frères" qataris a accepté ces dernières années une mutation tactique. Celle-ci a consisté à s'adapter, à changer le discours dans un sens plus consensuel, et à promouvoir une image douce en misant beaucoup sur le soft power et l'idée que les Frères représenteraient la tendance "modérée" et "démocratique" de la famille islamiste, par opposition à la tendance radicale, anti-démocratique et djihadiste.

C'est dans ce contexte que le Qatar a hébergé nombre d'activistes et de fanatiques, leur fournissant refuge, sponsoring, travail et soutien logistique et médiatique. A cet égard, le cas du célèbre téléprédicateur islamiste égyptien Youssef Al-Qaradhaoui, naturalisé qatari, est plus que révélateur puisque cet homme qui dirige l’International Union of Muslim Scholars (IUMS) et co-préside nombre de structures liées aux Frères en Europe et le Centre pour la Prédication et la Fatwa, est devenu mondialement célèbre depuis le Qatar grâce à son émission de télévision, La charià et la vie, diffusée sur Al-Jazira et qui a fait de lui une vedette planétaire. Un autre exemple de liens personnels entre des éminences fréristes et le Qatar est représenté par le cas de Rafiq Abdulsalaam, ex-ministre tunisien des Affaires étrangères, gendre de Rachid Ghannouchi (le leader de Ennahda, version locale des Frères), qui a été le responsable de la section des études et de la recherche au centre d’Al-Jazira à Doha. On peut également citer Ali Sallabi, l'un des leaders des Frères musulmans en Libye, plus que lié aux autorités du Qatar. Autre exemple de soutien à la Confrérie, le Qatar accueille Jassim Sultan, l'une des figures des Frères musulmans dans le monde arabe.


Depuis son "autodissolution" officielle en 1999 au Qatar, la Confrérie doit à Jassim Sultan, médecin qatari formé en Egypte et fondateur de la maison d'édition Takin et de l'Institut Ennahda, le remplacement de l'ancien organigramme pyramidal par une nébuleuse multipolaire en "étoile de mer", bien plus difficile à démanteler et à identifier. Cette nouvelle organisation, dont l'un des centres se situe au Qatar, concentre son action sur la subversion et la formation. Jassim Sultan invite ainsi à Doha chaque année des jeunes du monde entier pour y être formés à la planification stratégique et à l'influence.





A la manière des séminaires d'Open Society de Georges Soros, les jeunes Européens fréquentant l'enseignement privé musulman (35 établissements en France) sont sélectionnés pour participer aux séminaires. Doha appuie cette stratégie mondiale des Frères musulmans et soutient son organe clé, l'Institut Ennahda, dans la mise en œuvre du projet subversif de la Confrérie fondé sur l'entrisme et la conquête par "étapes", via des structures cloisonnées et autonomes.

Quant à Al-Jazira (en fait le "groupe Al-Jazira", qui possède plusieurs chaînes complémentaires), véritable fleuron médiatique du soft power qatari, il est le média arabe international pro-islamiste le plus moderne, le plus efficace et le plus subversif au sens où il a soutenu depuis des années les ambitions politiques des Frères musulmans dans la plupart des pays arabes, exceptés bien sûr au Qatar lui-même. La Confrérie a dû en effet accepter de renoncer à s'immiscer dans les affaires locales qataries en échange d'un soutien de Doha à l'extérieur.

En France, le Qatar est intervenu dans le financement du culte musulman à travers la Qatar Charity, qui est derrière sept projets de centres islamiques intégristes au moins sur le territoire héxagonal. La mosquée de Mulhouse a par exemple reçu la somme d'un million d'euros de la part du Qatar. L'association des musulmans d'Alsace, qui est à l'origine du projet, se revendique de la mouvance des Frères Musulmans et elle a reçu le soutien officiel de Youssouf al-Qaradhaoui, précité, haut dirigeant de structures proches des Frères en Europe (UOIE, etc), et auquel l'ex-ministre de l'Intérieur de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, avait interdit le territoire français en 2012. Qatar Charity a par ailleurs financé en grande partie un établissement privé musulman de Lille très controversé, le "Lycée Averroès", dont l'un des anciens professeurs de philosophie, Sofiane Zitouni, a révélé dans son ouvrage précité les liens étroits avec l’Union des Organisations Islamiques de France, structure nationale des Frères Musulmans.


Le soutien au djihadisme international

Il serait erroné de croire que le Qatar n'aide que les islamistes "de gouvernement", car l'émirat a une main dans "l'islamisme soft" et une autre dans le djihadisme. Un rapport publié par le Center on Sanctions and Illicit Finances identifie à Doha la plus forte concentration de dons privés à des groupes terroristes islamistes. Le Qatar abriterait en effet les bailleurs de fonds des groupes ddjihadistes comme le Front Al-Nosra (syrien), al-Shabaab, al-Qaïda au Maghreb islamique (Afrique du Nord) ou encore même l'EI, ceci en connaissance de cause des services de renseignements occidentaux. Les experts de l'antiterrorisme rejettent l'argument selon lequel l'Etat qatari serait "incapable" de tarir ce flux et de contrôler son territoire, ses institutions et ses princes et riches donateurs, car sa population est dérisoire alors que ses moyens financiers sont immenses (le territoire est équivalent à celui de la Corse).

En réalité, Doha n'a jamais voulu réellement poursuivre les financiers des groupes islamistes et djihadistes, car du point de vue de la raison d'Etat qatarie, les groupes djihadistes comme les partis islamistes sont des outils comme d'autres d'une vaste stratégie d'influence. Rappelons qu'après l'inauguration par Doha - sous la pression de l'Occident et de l'Organisation des Nations Unies - de la Financial Intelligence Unit en 2004, puis du Comité de lutte contre le terrorisme, en 2010 (qui auraient pu contribuer à tarir les financements du djihadisme, privant ainsi les groupes terroristes de leur manne financière extérieure), une seule transaction financière "suspecte" a été identifiée par ces entités... Mieux, d’après un rapport du Trésor américain rendu public fin septembre 2014, le Qatar aurait financé un moment les djihadistes de l’Etat Islamique.

Tous les services et chancelleries occidentaux savent que Doha a accordé depuis des décennies l'asile politique à de nombreux djihadistes : tchétchènes, algériens, irakiens, syrien, ou même les Talibans, qui ont pu y ouvrir une ambassade avec leur drapeau flottant dans la cour. Etat officiellement "allié" de la France et de l'Occident, le Qatar a également très largement soutenu et financé les djihadistes sahéliens du Mujao, qui ont combattu les soldats français et l’armée de Bamako au nord du Mali. Certes, c’est depuis la base Al-Udai, à Doha, que s’envolent les avions américains partis bombarder les djihadistes afghans ou syriens, mais le Trésor américain a révélé que "l'allié" qatari a bel et bien financé l'État Islamique, révélations rendues publiques par les aveux d'un certain Tariq Al-Harzi, alors en charge de l’accueil des djihadistes étrangers à la frontière turco-syrienne. Al-Harzi a avoué avoir levé à lui seul au Qatar au moins deux millions de dollars via des intermédiaires financiers du pays, ceci dans le but de les reverser à l'armée du Califat islamique. D'après des agences spécialisées dans le financement du terrorisme, des milliards de dollars auraient été collectés au Qatar de façon si officielle que l'on a parlé de "Téléthon du djihad"... Doha n'a fait preuve d'aucune vigilance vis-à-vis de cet argent destiné au terrorisme, mais les autorités qataries ont beau jeu de répondre que l'on ne peut empêcher les riches qataris de pratiquer l'aumône légale.

D'après certains spécialistes de l'antiterrorisme, l’engagement du Qatar auprès des djihadistes et autres terroristes serait une façon d’assurer sa profondeur stratégique en Syrie et ailleurs, où Doha envoie de l'argent aux djihadistes. Ceci explique aussi pourquoi le Qatar accueille sur son sol (comme la Turquie) et finance partiellement depuis des années le Hamas, les milices salafistes et fréristes libyennes, des militants des Shabaab somaliens et, d'une manière générale, les Frères musulmans de toute la région. C'est ainsi que le Vice-Président américain Joe Biden a déclaré publiquement, en octobre 2014, lors d'une conférence du Forum John F. Kennedy à l'Institut de Politique de l'Université d'Harvard, que "les alliés sunnites de l'Amérique sont responsables du financement d'Al-Qaïda et Daech, notamment la Turquie, l'Arabie Saoudite, le Qatar et le Koweït". Quant à David Cohen, ex-sous-secrétaire américain pour le terrorisme et le renseignement financier au Trésor US, il a affirmé qu'"il y a au Qatar des financiers du terrorisme désignés comme tels par les Etats-Unis et les Nations Unies et qui ont bénéficié de la protection de la loi qatarie", notamment deux figures proches de la dynastie Al-Thani que sont Khalifa al-Subaiy et Abd Al-Rahman ben Umayr al-Nuaymi. Ces derniers figurent même sur les listes noires du terrorisme djihadiste dressées par Washington en décembre 2013 et par l'ONU en août 2014.


Pour ce qui est d'Al-Nuaymi, universitaire et homme d'affaires qatari visé par des sanctions américaines depuis décembre 2014, il figure sur la liste noire terroriste de l'Union européenne, des Etats-Unis et des Nations Unies pour avoir fondé le groupe islamiste sunnite libanais Asbat al-Ansar puis les cellules irakiennes d'Al-Qaïda depuis 2003 et d'Al-Shabaab en Somalie, par des paiements mensuels s'élevant à deux millions de dollars. Il n'a toutefois jamais été arrêté par les autorités du Qatar et y a même toujours bénéficié d'une protection garantie par ses liens avec les élites du pays.





Al-Nuaymi demeure une figure de premier plan de l'Université du Qatar - fondée par la famille royale en 1973, où il fut même élu, en 2004, président du Centre arabe pour la recherche et les études politiques. Il a par ailleurs occupé des postes importants au sein de l'Association de bienfaisance, Mohammed Ben Eid Al Thani, de la Banque islamique du Qatar et de la Qatar Football Association, qui a donné naissance à l'ONG "Coalition mondiale anti-agression". Celle-ci a soutenu pendant des années la "résistance" en Irak, en Somalie et à Gaza, en fait des groupes terroristes-djihadistes salafistes.

Quant à Al-Subaiy, cet ancien employé de la Banque Centrale qatarie a été identifié comme "un financier du terrorisme basé au Qatar et un négociateur qui a agi au nom de la haute direction d'al-Qaïda dont l'un de ses hauts dirigeants Khalid Sheikh Mohammed lui-même" (cerveau des attaques du 11 septembre capturé en mars 2003). Rappelons qu'Al-Subaiy a vécu librement au Qatar alors qu'il était recherché par les Etats-Unis pour des actes terroristes. Al-Subaiy et al-Nuaymi ont toujours maintenu des relations étroites avec des dirigeants qataris, y compris au sein de la dynastie Al-Thani, ce qui leur a permis d'échapper aux demandes d'extradition.

D'après les conclusions du rapport du Center on Sanctions and Illicit Finance reprises par le Trésor américain, ces deux cas illustrent le double jeu du Qatar. Depuis 2012, le Trésor américain a également identifié un autre résident koweïtien, Hajjaj Al-Ajmi, qui déclare sur des vidéos ou devant des publics qataris respectables que l’aide humanitaire en Syrie est importante mais que la priorité est de soutenir les djihadistes. Dans le cadre de l'enquête des services de renseignements britanniques sur le cas du djihadiste anglais Djihadi John, l'un des bourreaux officiels de l'Etat Islamique, on a également découvert qu'un certain Mohamed Al-Arifi, ex-recruteur des volontaires djihadistes britanniques, séjournait régulièrement en toute tranquillité à Doha. Cet "imam" salafiste - aujourd’hui interdit de séjour au Royaume-Uni pour avoir préparé deux Britanniques au djihad - n'a jamais été expulsé du Qatar, malgré les preuves de son action de recruteur de djihadistes et sa proximité avec Al-Qaïda.


Certes, au Qatar, des lois répriment le blanchiment d’argent et le financement des organisations terroristes, mais leur mise en application fait preuve de "graves carences". Se référant au rapport précité daté d'avril 2014, David Cohen, le sous-secrétaire américain chargé de la lutte contre le terrorisme et du renseignement financier, déplore que la législation du Koweït et du Qatar permette à des associations "caritatives" de récolter des fonds privés pour des motifs soi-disant humanitaires et au nom de la zakat mais qui profitent "très souvent", selon ses termes, aux groupes islamistes violents. Face à ces accusations, le Qatar adopte la posture du déni de réalité et rappelle que l'armée américaine dispose sur son territoire d'un centre de commandement pour tout le Moyen-Orient, le Centcom. Ceci qui n'empêche pourtant pas que le djihadisme y soit financé à la barbe des militaires américains. Roi du double jeu, ce drôle "d'ami" de l'Occident finance même des analyses qui dédouanent l'émirat et pointe du doigt les voisins saoudiens et koweïtiens alors qu'il a été le premier bailleur de la rébellion islamiste syrienne, avec 3 milliards de dollars dépensés rien que de 2011 à 2013. Cette somme aurait servi à financer le "Front al-Nosra". Le Qatar aurait également alimenté un réseau de trafic d'armes permettant d'équiper les rebelles syriens en missiles anti-aériens. D'après le même rapport précité, une dizaine de personnalités éminentes au Qatar ont récolté des millions de dollars pour les djihadistes, sans même s'en cacher. Les fonds étaient destinés en l'occurrence au Front Al-Nosra, mais aussi indirectement à l'Etat Islamique.

D'Al-Nosra ou Daech en Syrie au Hamas palestinien ou aux Shabbab somaliens

Le Qatar est aujourd'hui, avec un autre "ami" de l'Occident pour lequel ce dernier est allé faire la guerre à Saddam Hussein - le Koweït - l'une des principales sources de financement et de parrainage des islamistes dans le monde, des "modérés" frères musulmans aux djihadistes terroristes. De façon publique et aucunement dissimulée, le Qatar a par exemple salué, par la voix de Khalid al-Attiyah, le ministre des Affaires étrangères qatari, le groupe djihadiste "rebelle" syrien Ahrar al-Sham. Ahrar al-Sham est pourtant le groupe qui a confisqué la rébellion anti-Assad aux modérés et qui a participé à la dérive sectaire et barbare de l'opposition combattante, coopérant avec Al-Nosra (Al-Qaïda en Syrie). Ahrar al-Sham a également souvent prêté main forte aux djihadistes de Daech à Raqqa.

Quatre ministères régaliens du gouvernement qatari auraient des relations avec des groupes armés en Syrie et en Libye : les Affaires étrangères, la Défense, les services secrets et The Country’s intelligence agency, puis le Bureau de l’émir Tamim bin Hamad al-Thani. En Syrie, le Qatar apporte une aide financière et en armement aux rebelles islamistes via des transferts de fonds à des intermédiaires financiers en Turquie, principalement, qui achètent ensuite des armes en Europe de l'Est ou ailleurs et les acheminent en Syrie. L'aide au terrorisme ne s'arrête pas à la Syrie ou à la Somalie et à l'Irak, mais il a été officiel à l'endroit du Hamas palestinien, qui a pu installer sa direction politique à Doha dès 2012, à la faveur du remplacement partiel de l'Iran par le Qatar en tant que parrain financier du mouvement. Selon le gouvernement américain, Qatar Charity a été citée par Oussama Ben Laden en 1993 comme l'une des associations caritatives finançant les opérations d'Al-Qaïda au niveau international. Jamal Ahmed al-Fadl, ancien membre d'Al-Qaïda et de la Qatar Charitable Society (l’entité prédécesseur de Qatar Charity), a confirmé la relation entre les deux organisations. Dans le cadre d’un témoignage auprès de la justice américaine en février 2001, Al-Fadl a révélé que le président à cette époque de la Qatar Charitable Society, Abdullah Mohamed Yousef, était un membre d'Al-Qaïda et du groupe islamiste soudanais National Islamic Front, qui avait accueilli Oussama ben Laden dans les années 1990. Dans le rapport cité ci-dessus, Gartenstein - Ross et Zelin ont affirmé que le Front Islamique Syrien (fédération d'organisations djihadistes syriennes), a également bénéficié de financements et de dons de matériel de la part de Qatar Charity. En février 2015, Yahia Saddam, un responsable de l’aide humanitaire au sein du mouvement de libération soudanais Minni Minnawi (proche du leader des rebelles du Darfour Abdul Wahid al-Noor), a accusé le Qatar d'avoir aidé les troupes du régime militaro-islamiste génocidaire de Khartoum dans l'orchestration de la terreur contre les civils et dans le blanchiment de fonds provenant de l’industrie pétrolière soudanaise, et ce via le Qatar Charity.


Source: http://www.atlantico.fr/rdv/geopolitico-scanner/qatar-soft-power-et-appui-aux-freres-musulmans-au-financement-djihadisme-geopolitico-scanner-alexandre-del-valle-2814989.html


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