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« le double jeu pakistanais et saoudien »

Depuis la défaite des Talibans, écrasés en à peine deux mois par l'action conjointe des bombardements américains et des forces terrestres de l'Alliance du Nord, analystes et politiques occidentaux crient victoire et n'hésitent pas à proclamer la mort d'Al Qaïda, et, du même coup, la disparition prochaine et définitive de la menace islamiste internationale

Du double jeu du Pakistan au risque de guerre atomique Inde/Pakistan Or les plus récentes analyses des services de renseignement occidentaux, russes, ou même indiens convergent pour souligner le persistant double jeu d'Islamabad dont les services secrets de l'ISI, qui ont mis en place les Talibans, sont impliqués dans l'attentat kamikaze perpétré au Parlement indien le 13 décembre dernier. Ce n'est pas par hasard si cet épisode est survenu peu après la déconfiture des Talibans et l'exfiltration de la plupart des hommes d'Al Qaïda vers le Pakistan, les commanditaires de ces attentats étant deux organisations figurant sur la liste des organisations terroristes proches d'Al Qaïda dressées par Washington : le Lachkar-e-Taiba et le Jaish-e-Mohamed. En fait, pour Pervez Moucharraf, qui voulait se faire pardonner le « lâchage » des amis talibans, la " cause islamique " du Cachemire a été d'autant plus incontournable qu'elle a constitué - jusqu'à l'accord de Bonn du 5 décembre dernier, où Moucharraf a enfin pu justifier sa posture grâce à la nomination d'un pachtoun pro-pakistanais (Karzaï) à la tête du Gouvernement provisoire - un exutoire aux encombrants islamistes d'Al Qaïda massivement accueillis en zone pachtoune pakistanaise dès octobre 2001. En termes clairs, le Président pakistanais a joué avec le feu, car il ne maîtrise déjà plus les guerriers d'Al Qaïda et le brasier du Cachemire risque, dans le pire des scénarios, de déboucher sur un affrontement nucléaire indo-pakistanais. Le Pakistan et l'Arabie saoudite : épicentres du Totalitarisme islamiste Rappelons que le " pays des Purs ", créé en 1947 pour et par les seuls Musulmans refusant de cohabiter avec les " Infidèles " hindous, est un Etat intrinsèquement islamiste, surtout depuis les années 80, où la Charià fut instaurée au grand dam des femmes, des Chiites et des Chrétiens, régulièrement accusés de " blasphème " Mais le Pakistan est surtout la base arrière des deux plus importantes organisations islamistes du monde : premièrement, le Tabligh, dont les sectaires prosélytes vont fanatiser les Musulmans jusque dans nos " banlieues de l'Islam " et qui n'a jamais caché sa proximité idéologique avec les Talibans, le Tabligh ayant recruté ces dernières années la plupart des volontaires européens pour le Jihad en Afghanistan. Ensuite, le Jama'at-i-islami - pendant indo-pakistanais des Frères musulmans - organisation qui a inspiré, à travers les écrits de son fondateur, Aboulal'a Al-Mawdoudi, la doctrine révolutionnaire-tyrranicide d'un des plus grands théoriciens des Frères musulmans : Sayyed Qutb, à laquelle se réfèrent tous les mouvements terroristes issus des Frères :Takfir wal Hijra, Jihad Islamique, Gamaà islamiyya, GIA, GSPC (Algérie) Enahda (Tunisie), etc. Rappelons aussi qu'au Pakistan, une madrasa et une moquée sur quatre sont contrôlées par des mouvements islamistes liés aux Talibans :Jamiat Ulema i Islami, madrasas de Sami Ul Haq, de Fazlur Rehman, d'Ahmed Noorani. Depuis 1995, ces madrasas ont formé plus de 20 000 étrangers venus du monde entier, avec la bénédiction de l'ISI et l'argent saoudien. Quant à l'autre « ami » de l'Ouest, l'Arabie Saoudite, gardienne des Lieux Saints, elle détient un rôle de premier plan dans le soutien à l'islamisme international, à travers la Ligue Islamique Mondiale, l'Organisation de la Conférence Islamique (OCI), l'Assemblée mondiale de la jeunesse islamique, etc ; les organisations " humanitaires " acheminant les Moujahidines (Islamic Relief, Al Haramaïn, IIRO, etc) et les banques islamiques (Dar Al Baraka, Dar al Mal al Islami, liées à celles qui ont financées Al Qaïda : Al Takwa, BCCI). Au lendemain des attentats, nous étions quelques rares voix discordantes à oser dire ce que la projection de la vidéo diffusée par le Pentagone le 13 décembre a révélé : l'implication des hautes autorités religieuses saoudiennes dans les attentats. C'est que le pouvoir, en Arabie saoudite, n'est pas détenu par les seuls Saoud, mais également par les religieux wahhabites qui tiennent plusieurs ministères et ont des relais dans les services secrets. La cassette est d'autant plus terrifiante qu'elle prouve que les vrais chefs d'Al Qaïda sont les religieux saoudiens qui donnent les ordres à Ben Laden et lui acheminent l'argent du Golfe. Citons le Cheikh Al Gamdi, que Ben Laden embrasse au début du document, venu le féliciter et l'autoriser à quitter l'Afghanistan, ou les deux mentors d'Al Qaïda qui justifièrent par des fatwas les attentats kamikazes : le cheikh Al Alwan et le cheikh Salih Al-Shwaybi, très influent en Saoudie. Or, ce n'est que 5 jours avant les attentats que les autorités saoudiennes ont placé ce dernier en résidence surveillée, de même pour le chef des services saoudiens, le Prince Turki, limogé, comme son homologue pakistanais, peu avant les attentats du 11 septembre, leur connivence avec les Talibans et Ben Laden étant indéniable. De toute évidence, si l'Arabie saoudite ne figure toujours pas sur la liste des Etats terroristes ou complices d'Al Qaïda, c'est seulement parce que le coût du baril en Alaska ou dans la Caspienne revient 10 à 30 fois plus cher que celui du brut saoudien à 3 ou 4 dollars, et en raison du poids des compagnies pétrolières dans le financement des candidats américains. Quant à des Etats également « amis », comme le Koweït, que nous avons secouru en 1991, sa façon de remercier les protecteurs occidentaux a été de financer les Frères musulmans en Europe et aux Etats Unis puis le Hamas palestinien, responsable du chaos actuel, puis de participer à la création, à Lugano, du Nada Management Group, l'un des holding-clé de Al Qaïda en Europe ! La fin annoncée de l'islamisme... ? D'éminents islamologues continuent malgré tout à nous expliquer que l'islamisme révolutionnaire de Ben Laden est l'ultime manifestation d'une " crispation ", signe d'échec de l'Islam politique " (Olivier Roy) ; qu'il est minoritaire, et impopulaire au sein du monde musulman, majoritairement « tolérant ». Or les faits nous prouvent le contraire. A part la Tunisie et la Turquie, depuis une vingtaine d'années, tous les Etats musulmans du monde ont, à des degrés différents, réintroduit la Charià, et perpétuent le principe d'inégalité entre hommes et femmes (mineures et héritières lésées), et Musulmans et non-Musulmans. Partout, la liberté de « circulation des religions » est interdite, voire punissable de mort (Pakistan, Afghanistan, Arabie Saoudite, Iran, Soudan, Nigéria). Quant à l'Islam politique, il est de plus en plus reconnu : jadis persécutés, les Frères musulmans disposent de 17 sièges au Parlement égyptien, ils ont des élus et/ou sont représentés au Gouvernement en Jordanie, au Koweït, en Algérie, au Maroc, au Soudan, au Yémen, etc, ou sont même à la tête des 17 plus grandes municipalités au pays d'Ataturk ! Mieux, les gouvernements en place n'ont trouvé d'autre solution pour juguler l'islamisme que de céder à ses revendications : en Egypte, Moubarak a dû faire libérer 22 000 activistes islamistes ; il permet aux Frères musulmans de diriger des programmes TV, des syndicats professionnels (médecins), et même de veiller à la censure et d'appliquer la Charià dans les tribunaux civils. Au Nigéria, la Charià est appliquée même aux Chrétiens dans onze Etats sur trente. Prenons enfin le cas du voile (à ne pas confondre avec le foulard traditionnel des campagnes) : jadis interdit ou disparu dans les métropoles égyptiennes ou turques, il s'est généralisé depuis les années 90 en Egypte, en Anatolie et dans des quartiers d'Istambul. Si tous les Islamistes ne sont pas membres d'Al Qaïda, cet islamisme « institutionnalisé » qui séduit partout les masses musulmanes radicalisées contre l'Occident « judéo-croisé » est diffusé par les mêmes pôles islamistes (wahhabisme, Frères musulmans) qui ont engendré Al Qaïda. Il serait donc peu raisonnable de dire que l'on en a terminé avec le Totalitarisme islamiste. Rappelons seulement que l'expression chère à Ben Laden « judéo-croisés » ne fait que reprendre celle par laquelle la très officielle Ligue Islamique Mondiale désigne le monde occidental : « l'Ouest croisé » (al Gharb al Salibi)... Et si les attentats de Manhattan n'étaient qu'un début ? En dépit des cris de victoire des Occidentaux et de l'Alliance du Nord, qui ont certes raison de se féliciter de l'échec des Talibans, gardons présent à l'esprit que moins de 500 séides d'Al Qaïda ont été tués ou faits prisonniers, chiffre dérisoire sur un total de 15 000 membres disséminés à travers une soixantaine de pays. Al Qaïda ne ressort que très partiellement vaincue de l'opération Liberté Immuable, en tout cas à peine plus que lorsque que Ben Laden et son QG avaient déjà dû quitter les bases du Yémen ou du Soudan. Ben Laden n'est probablement même pas son chef réel. Et il est à craindre qu'après une période de mise en sommeil et de reconstitution des réseaux, l'organisation recommence à frapper de plus belle « les Juifs et les Croisés » sur leur propre sol, cette fois-ci avec de nouvelles armes de destruction massive : armes bactériologiques et chimiques, valises-bombes nucléaires, qu'Al Qaïda possède déjà grâce à la collaboration avec des spécialistes des ex-services secrets est-allemands et soviétiques. Quoi qu'on en dise, la popularité de Ben Laden et de l'organisation islamiste des Frères musulmans qui est derrière lui, avec l'appui du wahhabisme international, est sans précédants dans un monde islamique de plus en plus gagné par la fièvre xénophobe anti-occidentale, anti-chrétienne et anti-juive, que la surmédiatisation anti-israélienne du conflit israélo-palestinien par les médias occidentaux contribue à exporter jusque dans les banlieues de l'Islam d'Europe et même des Etats-Unis. Car même au pays de Georges Bush, 80 % des mosquées et centres islamiques (dont le très puissant lobby CAIR, lié au Hamas) sont contrôlés par les Frères musulmans et les Wahhabites. Tant que les Etats occidentaux ne mettront pas hors la loi les Islamistes qui diffusent leur haine en détournant nos lois et valeurs et n'oseront pas appliquer une législation ferme en matière d'immigration et de sécurité, comme cela est permis aux Etats-Unis, Al Qaïda continuera à recruter parmi les Islamistes étrangers installés chez nous en tant que « réfugiés politiques », ainsi que parmi les beurs donnés en pâture aux prédicateurs étrangers, et même parmi les convertis Occidentaux. Car, les lois de la psychologie sociale sont impénétrables : les conversions à l'islam n'ont jamais été aussi élevées aux Etats-Unis et en Europe que depuis le 11 septembre ! Finalement, Ben Laden a peut être tout simplement compris que plus le Totalitarisme démontre sa force et sa barbarie, plus il fascine une société frappée par les virus mortifères de la honte de soi, de « l'islamiquement correct » - variante de l'esprit munichois et du politiquement correct - et du syndrome de Stokholm ... · Directeur de recherches à l'EGE et auteur de « Guerres contre l'Europe », les Syrtes, 2001.

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